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pas aboutir telle quelle. Malgré l’opposition acharnée des socialistes, elle en a suspendu la discussion en promettant de la reprendre plus tard. Elle a demandé au gouvernement d’employer les vacances à faire des enquêtes, dont l’objet est d’ailleurs resté assez indéterminé. Eh quoi ! ces enquêtes n’avaient donc pas encore été faites ? La Chambre a marché de surprise en surprise à mesure qu’elle avançait dans la discussion du projet, et qu’elle découvrait l’insuffisance de sa préparation. Cette insuffisance ne pouvait plus être réparée. On votera sans doute, avant de se séparer, un projet quelconque ; mais personne ne se fera la moindre illusion sur le caractère de cet avortement. Première déception, et combien pénible !

Mais il y en a eu une seconde, plus pénible encore peut-être, parce qu’elle s’appliquait à l’impôt sur le revenu, qui avait été le cheval de bataille des élections dernières : il s’agit, bien entendu, de l’impôt sur le revenu global et progressif. Le gouvernement actuel en est-il partisan sincère ? Nous en doutons, mais il fait profession de l’être, et, pour mieux encourager les espérances des radicaux et des socialistes tout en se réservant le moyen de les déjouer au dernier moment, M. le ministre des Finances a, comme tant de ses devanciers, présenté un projet pour l’établir. On trouverait donc notre incrédulité téméraire, si elle ne venait pas du souvenir que nous avons gardé de tant de grands et beaux discours dans lesquels M. Waldeck-Rousseau a combattu autrefois cette malencontreuse réforme. Nous savons bien que M. Waldeck-Rousseau a beaucoup changé ; les obligations qui résultent pour lui de la situation politique où il s’est placé en ont fait presque un autre homme ; pourtant, le vieil homme se manifeste encore quelquefois, et il en subsiste des parties qu’on est heureux et surpris de retrouver à peu près intactes. Depuis qu’il est au pouvoir, M. Waldeck-Rousseau n’a plus parlé de l’impôt sur le revenu. Son fameux discours de Toulouse était muet à ce sujet. M. Ribot a rappelé un jour, à la Chambre, ceux auxquels nous venons de faire allusion et qu’il a prononcés il y a quelque quatre ou cinq ans, lorsqu’il poursuivait à travers la France une campagne si courageuse et si brillante contre le socialisme ; et M. Renault-Morlière, dans une réunion de républicains progressistes qui a eu lieu récemment à Troyes, en a cité des passages. M. Waldeck-Rousseau, à cette époque, se moquait de cette transformation féerique de la société qu’annoncent toujours les collectivistes. Il ne les croyait pas capables de construire, ni d’organiser quoi que ce fût ; mais, pour ce qui est de désorganiser et de détruire, c’était autre chose, il reconnaissait là leur spécialité véritable, et s’en