Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont il se sert, n’a pas hésité à agiter le spectre noir, beaucoup plus conventionnel aujourd’hui que le spectre rouge : aussitôt toute sa majorité s’est groupée solidement autour de lui.

Pendant six mois, elle n’a pas songé à autre chose qu’à la loi sur les congrégations. M. Trouillot a parfaitement caractérisé cette période politique : il en a été l’homme représentatif. Mais quoi ! On avait promis d’améliorer la situation des classes populaires, les plus pauvres, les plus malheureuses, et, en fin de compte, on leur donnait à manger Ides congréganistes ! La diminution des impôts directs était difficile à réaliser. La loi sur les retraites ouvrières était presque impossible à établir. Grande déception, à coup sûr, pour nos paysans et nos ouvriers ! Mais, leur a-t-on dit, voulez-vous manger du jésuite ? Nous en tenons table ouverte. Les paysans et les ouvriers n’ont pas pris le change. Nous l’avons déjà dit, la haine des congrégations est un sentiment de bourgeois, de juristes, de lettrés. Le peuple peut le partager quelque temps, en vertu d’une inoculation artificielle ; il ne lui déplaît pas de voir tracasser le père de famille qui met ses enfans chez les bons pères ; ce spectacle le divertit ; mais il ne lui fait pas oublier sa faim qu’on a promis de rassasier, ses souffrances qu’on a promis d’apaiser, ses besoins matériels dont on a augmenté l’acuité en prenant l’engagement d’y pourvoir ; et, quand les élections approchent, c’est là-dessus que portent ses revendications ou ses récriminations. Qu’avez-vous fait pour notre bien-être ? demande-t-il à ses élus. Et, si ces derniers répondent qu’ils ont dissous un certain nombre de congrégations, dispersé des moines, obligé les bourgeois à chercher pour leurs fils d’autres écoles que celles des jésuites, — à supposer que ces résultats soient obtenus, ce qui n’est pas certain, — qu’est-ce que cela peut bien lui faire ? Ses préoccupations sont ailleurs. La loi sur les associations, phénomène d’atavisme chez ceux qui l’ont votée machinalement, est aussi un anachronisme. Nous avions autre chose et mieux à faire. La Chambre a commencé à s’en apercevoir lorsqu’il était déjà trop tard.

Après la loi sur les associations, elle avait abordé celle des retraites ouvrières, sur laquelle nous aurons à revenir, si elle a jamais quelque chance d’aboutir : mais on n’en est pas encore là. Une commission spéciale étudiait la question depuis l’origine de la législature, ou peu s’en faut. La Chambre avait mis sa confiance en elle, persuadée que, le moment venu, elle lui apporterait un projet bien préparé. La Commission a fait de son mieux ; il serait injuste de mettre en cause sa bonne volonté. Mais, tel qu’il lui avait été posé, le