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réalité, au moins l’apparence des réformes promises. Rien ne sert de courir, dit le fabuliste ; il faut, ou plutôt il aurait fallu partir à temps. Sans doute, les accidens de la vie politique ont pris à la Chambre une grande partie de son temps ; pourtant, elle en aurait eu encore assez, si elle l’avait bien employé. A diverses reprises, il y a eu des accalmies dont elle aurait pu profiter. La dernière, la meilleure peut-être, s’est offerte au commencement de l’année courante. Les commissions spéciales avaient eu le loisir d’étudier les projets qui leur avaient été confiés, et il aurait suffi que le gouvernement ou (que la Chambre elle-même eût le moindre désir de les voir venir en discussion, pour qu’on les y mît en effet. Mais qu’a proposé le gouvernement, et à quoi la Chambre a-t-elle consenti ? Toute affaire cessante, le gouvernement a demandé la mise à l’ordre du jour de la loi sur les associations, et la Chambre s’est aussitôt attelée à cette besogne qui devait durer longtemps. Peut-être la Chambre n’a-t-elle pas très bien compris l’intention du Cabinet : cependant elle était claire. Parmi tant de projets dont la discussion était également prête, il s’agissait de choisir, non pas celui qui pouvait être le plus utile, ou le plus urgent, ou le plus désiré par le pays, mais celui qui devait le moins diviser la majorité : et, puisque le parti républicain modéré avait été rejeté hors de celle-ci, la loi sur les associations devait présenter tous les avantages qu’on recherchait. M. Waldeck-Rousseau connaissait le parti sur lequel il s’appuyait. Il n’ignorait pas les germes de division qui y existaient ; mais il savait aussi qu’il suffisait de parler des congrégations, ou, comme dit M. Brisson dans son langage généralisateur, de la Congrégation, pour que tout le monde se retrouvât d’accord. Lorsque le taureau dans l’arène se jette sur l’homme et menace de lui faire un mauvais parti, qu’on lui présente un lambeau de drap rouge : aussitôt la bête se détourne de l’homme et se précipite sur l’étoffe flottante, au risque de ne rien trouver derrière. C’est l’histoire des partis qui ne réfléchissent pas par eux-mêmes : on les conduit avec des mots et vers des apparences. Le mirage les attire. Et, s’il y a un mot, une apparence, un mirage dont l’attraction soit immanquable sur le parti radical, encore plus que sur le parti socialiste qui est moins naïf, c’est tout ce qui rappelle les congrégations et les congréganistes. Le procédé est un peu grossier : les esprits un peu difficiles dans le choix des moyens hésitent à en user, de crainte de ne pas suffisamment se respecter eux-mêmes. Mais, si l’on passe sur cette première impression, l’effet est certain. M. Waldeck-Rousseau, dans son parfait dédain pour les hommes qui le servent et pour les choses