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POÉSIE

LA CLOCHE DU FAUBOURG


Par ce soir lourd d’un chaud samedi de quinzaine,
Dans le faubourg qu’emplit une brume malsaine,
Le peuple grouille. On sent l’alcool et la sueur.
Le crépuscule met sa dernière lueur
Sur les hautes maisons, mais, au fond des boutiques,
Le gaz revêt déjà de flammes fantastiques
Les alambics de cuivre et les comptoirs de zinc.
C’est jour de paye, et, par groupes de quatre ou cinq,
Les ouvriers, malgré leurs mines échinées,
Entrent en ricanant pour s’offrir des tournées.
Dans une heure d’ici, de l’assommoir flambant
Ils sortiront, les yeux fixes, en titubant.
Qu’y faire ? Ce poison seulement les console.
Dehors, des femmes vont, nu-tête, en camisole,
Et des enfans portant des pains aussi gros qu’eux.
Dans ce quartier sinistre où le regard du gueux
Sur le bourgeois cossu qui passe est une insulte,
Tout à coup, par momens, s’exalte le tumulte.