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Mais la caractéristique dominante de tous ces ports est, — on doit le dire à leur honneur, — le maintien et le développement d’une population courageuse, un peu rude peut-être, mais jamais vulgaire, composée de vaillans et de forts, et ayant tous les traits distinctifs d’une véritable et noble race, — race pure, tenace, primitive, qui est bien toujours de granit comme le vieux sol sur lequel elle vit et qui est géologiquement le plus ancien de notre globe. Les Malouins, a-t-on dit quelquefois, sont les grands rouliers de la mer. On peut le dire avec autant de vérité de tous les marins de cette côte dure et sauvage. On doit ajouter, pour être vrai et juste, qu’ils en sont tous les héros et souvent les victimes. Nulle part notre flotte ne trouve de plus habiles manœuvriers, de plus dévoués serviteurs, aux sentimens plus généreux, au cœur plus ferme, à la foi plus ardente, au caractère plus énergiquement trempé.


VIII

La Sée, la Sélune et le Couesnon réunissent leurs eaux dans la baie du Mont Saint-Michel. L’immense grève régulièrement noyée et émergée deux fois par jour, tour à tour plage, vasière ou bras de mer, marque l’extrême limite des rivages bretons. La côte se retourne brusquement à angle droit. Depuis Ouessant, elle suivait presque exactement de l’Ouest à l’Est un parallèle de la terre. A partir d’Avranches ou de Granville jusqu’au cap de la Hague, elle court droit au Nord et suit un méridien. Cette région avancée de la France est la presqu’île du Cotentin. Massif granitique et schisteux comme celui de la Bretagne, battu comme lui de tous côtés par les vents et les vagues, attaqué par de formidables marées, rongé par des courans d’une puissance redoutable, déchiqueté en caps, en golfes et en fiords d’un abord presque toujours dangereux. Au large, une pléiade d’îles ; les unes minuscules et désertes, groupées en archipels entourés d’écueils et de récifs sous-marins ; les autres riches, très peuplées, de dimensions considérables, admirablement cultivées, outillées à la fois pour la guerre, l’agriculture et le commerce, véritables petits continens dont l’ossature géologique est de même nature et de même origine que celles de la Vieille Armorique et de la presqu’île de la Manche à laquelle elles étaient autrefois soudées. Ce sont les îles normandes auxquelles les Anglais