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partout sur la côte de Bretagne, et en particulier dans la région des Côtes-du-Nord, la mer a gagné sur la terre ; que cet empiétement se manifeste encore de nos jours ; qu’on doit l’attribuer à une double cause, l’érosion incessante des vagues et un affaissement général très lent et continu de toute la presqu’île armoricaine ; et qu’il paraît s’être produit avec la plus grande intensité aux premiers siècles de notre ère.


VI

Il n’existe peut-être pas de pays au monde où l’Océan produise des effets plus grandioses que dans le golfe compris entre le rocher granitique de Saint-Malo et la falaise schisteuse contre laquelle est adossé le port de Granville.

La caractéristique dominante de cette côte est l’extrême amplitude des marées. Deux fois par jour, l’immense plaine au milieu de laquelle se dresse le Mont Saint-Michel est envahie par les vagues. Les eaux pénètrent dans l’intérieur des terres, dessinant des baies profondes, transformant en fleuves navigables des estuaires qui se réduisaient quelques heures auparavant à de maigres filets liquides ; et ce va-et-vient continu développe une série de courans et de remous d’une puissance souvent formidable.

Presque partout sur nos côtes de l’Océan, les grandes marées sont de 5 à 6 mètres et ne dépassent pas 7 mètres. A Granville, elles atteignent près de 15 mètres ; à Saint-Malo, à peine un mètre de moins. Cette surélévation prodigieuse des eaux est due à un phénomène qu’on appelle l’interférence des marées et qu’il est facile d’expliquer. La marée, en effet, n’est, comme tout le monde sait, qu’une grande intumescence, une onde ou, si l’on veut, une vague immense soulevée périodiquement par l’attraction lunaire et par celle du soleil, la seconde, à cause de l’extrême éloignement de l’astre, ayant une action beaucoup moins énergique que la première, mais pouvant quelquefois l’augmenter, quelquefois la diminuer, suivant la position réciproque des deux astres. La vitesse de propagation de la marée est en outre proportionnelle à la largeur et à la profondeur de l’Océan. La vague suit naturellement le cours de l’astre qui l’attire, et le temps qui sépare son arrivée dans une rade ou sur un rivage du moment précis où l’astre a déjà passé au méridien s’appelle