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d’arrivée de la route militaire qui partait de Nantes, Condivicnum, et aboutissait au littoral en passant par Vannes, Dariorigum, et Carhaix, Vorgium, ce dernier étant le carrefour peut-être le plus important de toute l’Armorique[1]. On est même allé plus loin ; et, en présence d’un assez grand nombre de débris gallo-romains épars, de l’autre côté de l’Aber-Wrac’h, sur la rive gauche de l’estuaire, en face de remplacement de la rive droite où l’on est à peu près d’accord pour retrouver le Vorganium des itinéraires classiques, certains antiquaires n’ont pas craint de voir, dans quelques ruines informes et un peu douteuses, l’ancien port de Gesocribate, que presque tous les géographes assimilent avec beaucoup plus de raison à Brest. Les étymologistes n’ont pas manqué de venir au secours des archéologues et ont vu dans ce Gesocribate le vrai port de la « Fin des Terres. » Geso devant dériver du celtique gwez, au pluriel gweso, et signifier eau, port ; crib désignant en gallois la « pointe de toute chose, » une crête, un promontoire extrême, et bed ou bate pouvant être traduit par monde, Gesocribate devenait alors tout naturellement le « Port du bout du Monde ou le Port-Finistère ; » et pour ceux qui considèrent l’Aber-Wrac’h comme la saillie extrême de la vieille péninsule armorique, il a été facile d’y placer le port dont le nom était l’expression même et comme la traduction de sa position avancée. L’estuaire de l’Aber-Wrac’h aurait donc eu dans cette hypothèse deux ports distincts qui se seraient fait vis-à-vis : Vorganium sur la rive droite, Gesocribate sur la rive gauche, disposition analogue à celles de Locmariaker et de Port-Navalo, tous deux gallo-romains aussi, à l’entrée de l’estuaire du Morbihan. Ces explications d’érudits sont sans doute très recommandables, mais un peu trop ingénieuses pour ne pas être acceptées sans beaucoup de réserve[2].


III

A 20 kilomètres plus loin s’ouvre la baie de Morlaix et de Lannion qui présente un tout autre intérêt. L’île de Batz la flanque et la protège à l’Est. Ce petit plateau de granit, de

  1. Le Men, Vorganium et Vorgium. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, juillet 1874. R. Kerviler, Voies romaines en Armorique, 1893.
  2. H. Kerviler, Etudes archéologiques. Quelques points controversés de géographie armoricaine, 1893.