Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintient en avant sans effort, passe le but au milieu du vacarme et va s’arrêter sous les fenêtres du palais Sansedoni, Là il est littéralement arraché de sa selle, fêté, caressé, embrassé, acclamé par les Lupaioli qui, en un clin d’œil, ont franchi les barrières, envahi la piste. Une clameur s’élève des quatre coins de l’hippodrome : Lupa, Lupa ! Pendant ce temps le jockey du Montone n’échappait à un péril imminent que grâce à l’opportune intervention de la police. Ses contradaioli, indignés, allaient lui faire un mauvais parti. Son cheval, le meilleur du lot sans contredit, n’avait, à aucun moment, pris part à la lutte. Pauvre Mouton ! Il y a beaux jours que les agneaux ont accoutumé d’être mangés par les loups !

Maintenant, la foule se disperse par tous les vomitoria de L’amphithéâtre. Les uns regagnent tranquillement leur quartier, les élégans, se jetant dans la via Ricasoli, se rendent, par la via Cavour, à la Lizza, pour s’y promener, au son de la musique militaire, jusqu’à nuit close. Cependant, un groupe en délire, entourant le cheval vainqueur, dévalait vers le quartier de la Lupa et déposait le palio dans l’église ; de San Rocco. Là un prêtre bénissait, séance tenante, le cheval encore fumant, puis devant les Lupaioli à genoux, l’officiant chantait le Te Deum. A peine avait-il terminé l’hymne que retentissaient les premières mesures d’une valse.

Le soir du Palio, la contrada qui l’a remporté est en liesse Dès la tombée de la nuit, la via Vallerozzi qui, de la via Cavour, conduit par une pente rapide au centre du quartier de la Lupa, était éclairée par des cierges accrochés aux maisons.

A peine m’étais-je engagé dans cette ruelle qu’un rassemblement m’arrêta. C’était un enfant qu’on emportait dans une voiture. L’hanno ammazzato, — ils l’ont tué, — hurle une vieille, à mes côtés, et une autre poursuit : Sara Fontebranda, c’est-à-dire le coup vient de la contrada de l’Oca. En réalité, il ne s’agissait que d’un gamin légèrement blessé par accident.

Plus bas, une colonne surmontée de la louve romaine marquait le centre de la contrada victorieuse. Dans un léger enfoncement, précédée d’un perron à double rampe, se dressait l’église de San Rocco. Par la porte ouverte, c’était un va-et-vient d’hommes et de femmes curieux de voir le palio déposé à quelques pas de l’autel, ainsi qu’un trophée pris à l’ennemi Sur un banc de la sacristie, dans l’ombre, de gros bonnets du quartier