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de semblables tableaux. Sans doute le Campo n’est plus exclusivement entouré de palais crénelés et de maisons gothiques ; plusieurs édifices qui menaçaient ruines ont été maladroitement reconstruits, des fenêtres à meneaux ont été remplacées par des croisées modernes, depuis qu’un artiste inconnu a peint en 1609 cette tablette de Biccherna qui montre une procession dans ce cadre merveilleux. Les accoutremens bourgeois de cette fin de siècle ne peuvent pas davantage avoir la prétention de figurer une foule bigarrée du quattrocento. Mais si quelques instrumens mal accordés jettent des fausses notes, elles se perdent au milieu du concert puissant émané des masses orchestrales.

Il est six heures ; le soleil a disparu. Un coup de canon retentit. Au même instant, un corps de gendarmes à cheval sort du palais public et se déploie sur la pianata. Leur rôle consiste à faire évacuer les pistes, dette consigne, ils l’exécutent posément, sans effort, car la foule se dissipe d’elle-même à leur approche et s’infiltre prestement dans le fond de la coquille. Un quart d’heure suffit pour que l’arène soit entièrement dégagée. Entre les barrières humaines, elle ressemble à un immense ruban rougeâtre en forme de boucle.

Un nouveau coup de canon. La musique marine au pied de la Fonte Gaia se fait entendre, à ce signal. Le cortège point, en face de nous, débouchant de la via del Casato. Une immense acclamation, sortie de quarante mille gosiers, salue son entrée. De la cime du Mangia, le campanone laisse tomber lentement sa note solennelle.

En tête, sur un cheval qui caracole galamment, apparaît le porte-bannière de la commune, dans un costume historique, déployant le grand étendard de Sienne, la glorieuse balzana, mi-noire, mi-blanche. Puis viennent les vingt musiciens du palais, en livrée verte, le panonceau de la cité suspendu au tube de leurs longues trompettes. Derrière eux, le capitaine de justice précédé d’un page, suivi de deux barigels et de quatre sbires, tous luxueusement habillés.

Les comparse des dix contrade qui vont se mesurer font alors leur apparition, accueillies par une acclamation grandissante. Elles se présentent dans l’ordre fixé par le sort. L’Onda ouvre le défilé. Le cortège, avec ses brillantes unités, se déploie lentement. Les trompettes entonnent la marcia del Palio, œuvre populaire d’un maître siennois. Mais ce qui communique la vie à cette