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siennoise l’occasion de faire assaut de sang-froid, de courage et d’adresse ; c’était encore l’image de la guerre corps à corps, telle qu’elle était en usage au moyen âge. Le concile de Trente ayant censuré ces jeux sanguinaires, les combats furent abolis en 1590. Les buffalate, où la bête courait montée, parurent également trop dangereuses : un édit les abolit en 1650. Les mœurs allaient s’adoucissant. Bientôt, les asinate, qui donnaient naissance à des scènes d’une indescriptible confusion, tombèrent également en désuétude. Seules, les courses de chevaux survécurent : elles devinrent le spectacle populaire par excellence.

Pendant ce temps, les contrade avaient pris leur caractère définitif. Leur nombre est déjà fixé à dix-sept en 1675. Quatre d’entre elles ont reçu, pour services éclatans, des titres de noblesse. La fonction principale des contrade, pour ne pas dire la seule, consiste à organiser les jeux dont le palio est le prix convoité. Dans le principe, elles ne patronnaient que la course du 2 juillet, en l’honneur de Notre-Dame de Provenzano ; l’Assomption devint, un peu plus tard, l’occasion d’une seconde journée, le 16 août. Enfin, la piazza del Campo est définitivement adoptée pour la dispute des palii. Jusqu’en 1720, chacune des contrade pouvait prendre part à la course. Cette année-là, un terrible accident ayant ensanglanté l’arène, l’autorité décida que dix chevaux seraient seuls admis à courir. C’est une ordonnance qui est encore en vigueur.

Mais c’est par des côtés différens que le Palio se distingue des autres courses de chevaux. Nul ne croirait que l’ardente émulation qui anime les concurrens repose sur un mobile désintéressé. Loin de constituer pour le gagnant une source de lucre, la victoire lui coûte souvent plus cher que la défaite au vaincu. Le seul trophée que se disputent, avec quel acharnement ! les contrade rivales, c’est une simple bannière où paraît une madone brodée, entourée d’emblèmes et d’inscriptions d’un laconisme lapidaire. La commune n’offre rien de plus au vainqueur. Sur le champ de course, ni bookmakers, ni pari mutuel. L’argent ne constitue, à aucun degré, le stimulant de l’épreuve. Bien plus, ce sont les contrade qui supportent tous les frais de la représentation ou peu s’en faut. Mais remporter le Palio, c’est beaucoup ; empêcher qu’une contrade rivale le conquière, c’est plus encore. Ces rencontres répétées deux fois l’an ont développé, ou du moins réchauffe, au sein des contrade, l’antagonisme