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ce sont des tombereaux qui arrivent pleins d’une terre rougeâtre qu’on étend dans la zone excentrique, bientôt transformée en piste d’hippodrome. Voici maintenant les boutiquiers du Campo qui entrent en scène. À l’aide de forts madriers à de planches, ils dressent des gradins contre les palais gothiques. Ces travaux divers s’accomplissent rapidement, avec méthode, sans bruit du côté des ouvriers, sans exciter de surprise du côté des assistans. Si vous voulez savoir quel spectacle on prépare, jetez les yeux sur les affiches d’allure décorative collées sur les murs ; vous verrez que le 16 août, un peu avant le crépuscule, aura lieu sur la place publique la course alla tonda[1], le traditionnel Palio de Sienne. Sur cette place qui allée te la forme d’un éventail ouvert, ou plutôt la figure et le relief d’une coquille de Saint-Jacques, — car elle s’évase au centre et se relève sur les bords, — dix chevaux exécuteront trois tours de ; piste, de toute la vitesse de leurs jambes, sans souci des tournans à angle droit, des montées et des descentes qui agrémentent ce parcours original. On ne se représente pas Gladiateur ou Ormonde accomplissant une de leurs performances sur cet hippodrome improvisé.

Dimanche 13 août. — Dès neuf heures du matin, le Campo présente une animation inaccoutumée. Le soleil qui s’est levé derrière le palazzo pubblico, déjà haut sur l’horizon, envahit la place, à l’exception de la partie voisine du palais, appelée la pianala, et, de la colonne d’ombre que projette au loin la tour démesurée du Mangia. Les curieux s’entassent dans ces refuges naturels. Tout à coup un cheval apparaît, tenu en main par son propriétaire ; une vingtaine d’autres le suivent de près. La foule s’écarte pour voir passer de maigres haridelles, étiques pour la plupart et les flancs caverneux qui, disparaissant sous une des voûtes du vieux palais, vont se ranger dans la cour ogivale du Podestà. C’est là que les propriétaires présentent leurs quadrupèdes aux deputati del Palio[2] qui leur assignent séance tenante un numéro d’ordre.

L’opération terminée, les chevaux sortent, montés sans selle par des jockeys d’occasion auxquels la municipalité octroie pour leur peine la somme de deux lires. Les concurrens vont se ranger à la Costarella[3], où une tribune aérienne a été dressée

  1. En rond.
  2. Les commissaires de la course.
  3. Un des tournans.