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faudra que ma conduite envers toi témoigne publiquement de mon mécontentement, car il est impossible qu’on comprenne que je reçoive le soir en ami celui qui m’a attaqué le matin. C’est à toi de choisir ; je regretterais vivement que ton bon sens et ton bon cœur ne l’emportassent pas sur la fougue de ton esprit. Reçois l’assurance de ma sincère amitié (29 mars 1863). »

Le prince se défendit comme il put : « Sire, le but de la lettre de Votre Majesté est trop clair pour que je ne le comprenne pas. A quoi me servirait de répondre longuement aux nombreux reproches que Votre Majesté me fait ? Je sens que ce serait inutile et sans influence sur votre esprit ; vous dire que vous m’avez frappé comme ambassadeur en 1849 par une lettre fort dure que rien dans ma conduite ne justifiait, qu’au 2 décembre, je ne sais pas ce que vous pouvez me reprocher ; surpris par cet événement, ne sachant rien de ce qui se faisait, j’ai eu une conduite tout à fait passive ; que le reproche au sujet de mon mariage pour le traité avec M. de Cavour, je ne le comprends même pas, tellement il me semble extraordinaire ; mon beau-père, le maréchal Niel, M. Nigra sont les témoins de ma conduite dans cette affaire que l’Empereur a toujours approuvée jusqu’ici. Pour mon premier discours au Sénat sur l’Italie, vous m’avez écrit en me félicitant ; M. de Persigny, votre ministre de l’Intérieur, en a été enthousiasmé beaucoup plus encore que mes amis. Quant à mon dernier discours, il a été précédé par la parole du ministre d’Etat, qui, lui-même, m’a félicité de ce que j’avais dit. Et Dieu sait que j’ai tout fait pour éviter une discussion. C’est M. Billault qui l’a voulu, se défiant de vous-même et voulant vous engager par ses paroles. Quant aux personnalités contre le ministre, c’est vrai, j’ai eu le tort de rappeler à M. Billault qu’il avait voté pour le général Cavaignac, que si tous les Français avaient suivi son exemple, vous ne seriez pas Empereur, qu’il vous servait avec honneur et fidélité depuis que vous étiez le plus fort. Mais ces interruptions, je les ai faites le lendemain de mon discours, et elles m’ont été arrachées par le ministre qui a dit que je semblais menacer l’Empire d’une révolution, qu’une manifestation se ferait dans la rue, que voter enfin contre l’ordre du jour, c’était se montrer ennemi de l’Empereur ! Je demande pardon à Votre Majesté de cette explication que je lui aurais donnée de vive voix si je l’avais vue. Maintenant vous voulez bien terminer votre lettre, Sire, par deux alternatives très