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l’Adresse et en disant que le Sénat avait voté à l’unanimité malgré mon vote, qui a cependant peut-être autant de poids et de valeur que ceux de MM. Boissy, La Rochejaquelein et compagnie. Vous avez donné raison à ceux qui voulaient une discussion sur la Pologne au Sénat, contre moi qui désirais le silence, ayant confiance en vous. Vous n’avez pas voulu me recevoir après la discussion, ni me permettre de vous expliquer ce qui s’était passé. Moi, le parent, l’ami de vos temps d’exil et de malheur, je n’ai pu même me disculper en face des ennemis de la veille, serviteurs dévoués du lendemain, c’est-à-dire depuis que vous êtes le plus fort ! Enfin, une lettre publiée est venue m’infliger un blâme public et approuver M. Billault qui a été d’accord avec M. de La Rochejaquelein, qui a fait l’éloge de la Russie, qui a dit que ceux qui voteraient l’ordre du jour étaient vos ennemis. Tout cela m’a profondément blessé, mais non découragé. Que m’importe ma personne et qu’est-elle en face des grands intérêts en cause ! Malgré tout, les souvenirs de mon cousin Louis, d’Arenenberg, de Londres, dominent dans mon cœur ceux de l’Empereur, aux Tuileries, qui a peut-être des devoirs pour agir ainsi qu’il l’a fait. J’ai donc continué à étudier, à réfléchir, et j’ai fait un projet politique et militaire adapté aux circonstances actuelles qui ne sont plus celles d’il y a un mois. Ce projet vaut la peine que vous perdiez une heure à l’écouter. Je le crois puisque je l’ai fait. Reste à savoir si l’Empereur est de mon avis ou si son mécontentement contre mes paroles domine tout, Veuillez agréer, Sire, l’hommage de profond et respectueux attachement avec lequel je suis, de Votre Majesté ? , le très dévoué cousin. 26 mars 1863. »

Voici le projet qui était annexé à cette lettre :

« Toutes les apparences sont pacifiques aujourd’hui. Les négociations à la suite de la réponse de la Russie traîneront des semaines, peut-être des mois, rien ne pourra se faire cette année et encore moins l’année prochaine puisque la Pologne sera dévastée, écrasée, et la Russie beaucoup plus forte dans quelques mois. L’Empereur n’ayant pas cru devoir suivre une conduite qui devait amener la guerre seul avec la Russie, cette année il n’y a plus de question polonaise ; l’altitude et les paroles des membres du gouvernement, notamment de MM. Morny, Persigny et Billault sont formelles ; ils disent que l’Empereur s’est engagé à ne rien faire sans l’Angleterre et l’Autriche, que ces deux puissances