Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’au lieu de signaler à la classe laborieuse la hardiesse généreuse de l’Assemblée qui vote une pareille loi, on cherche à la discréditer dans son esprit et à la présenter comme un piège. Si j’avais eu l’honneur d’être consulté, j’aurais mis une opinion contraire à l’opportunité ; mais, dans la situation qui a été créée par la promesse contenue dans le discours de la Couronne et par la présentation du projet, je considère comme un devoir, malgré les pénibles anxiétés, malgré les doutes par lesquels mon esprit a passé dans l’étude très prolongée de cette loi, je considère comme un devoir d’en adopter l’article Ier et l’ensemble. » Ces paroles d’un homme dont la droite conscience n’était pas coutumière des compromis produisirent un effet décisif et dissipèrent les derniers scrupules d’un grand nombre d’hésitans.

Il ne restait à Jules Favre qu’à se taire : il préféra donner de l’ampleur aux attaques de Jules Simon. Son discours eut même des allures d’une vivacité passionnée qui ne lui étaient pas habituelles. De l’interminable discours qu’il prononça se dégageait nettement l’affirmation suivante : « La loi offre plus d’inconvéniens que la loi ancienne ; elle ne réalise pas un progrès ; elle n’autorise qu’une coalition théorique, métaphysique, une coalition de sage, car les abus qu’elle punit sont le cortège obligé de toute coalition, et les punir, c’est interdire en fait les coalitions qu’on a autorisées en principe. L’article 416 punit les proscriptions, les interdictions ; or, il n’y a pas de coalitions, s’il n’y a pas d’interdictions et de proscriptions. Si elles sont une nécessité de la coalition, elles ne sauraient être coupables ; ou bien il faut renoncer à cette déclaration pompeuse, que les coalitions sont permises, quand en réalité elles sont défendues par la loi. » (Approbations sur quelques bancs. Dénégations sur d’autres.) Le rapporteur ne fut pas ménagé plus que la loi. « Il n’y a pas dans cette Chambre un esprit assez mal fait, un cœur assez égaré pour maudire le bien, parce que ce bien pourrait profiter au gouvernement de la politique de qui il est l’adversaire ; mais, s’il est vrai, comme on nous l’a rappelé durement, que les pessimistes peuvent tout empêcher, quant à moi, je me défie des approbateurs faciles qui peuvent tout permettre ; et c’est précisément parce que de cette pensée nous paraît émaner la loi en discussion que nous ne pouvons lui donner notre adhésion. (Mouvemens divers.) Il y a en politique deux écoles : celle des principes