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minorité, dans l’intérêt des patrons, dans l’intérêt des ouvriers, ne faites pas une loi douteuse, qui serait morte le jour même que vous l’auriez faite, car elle serait un péril public que vous seriez obligés d’effacer de vos codes. »

Parieu, répondant à Jules Simon, s’éleva contre les esprits exagérés « dont le premier mouvement, dès qu’un principe nouveau est proclamé, est de le compromettre en l’exagérant et en défigurant la sainte et noble image d’une liberté nouvelle. » Cornudet compléta la démonstration. Il prouva la clarté et surtout l’efficacité de la loi. « N’avez-vous pas vu qu’on la considère dans une partie de la Chambre comme trop efficace ? N’est-ce pas la preuve qu’elle accorde quelque chose ? »


VIII

Cette séance manqua devenir fatale à la loi. L’Empereur, ému du discours de Seydoux et du mécontentement de la majorité, indigné qu’on le remerciât d’un bienfait eu l’accusant d’une perfidie, manifesta, au conseil des ministres du lendemain matin, son intention de retirer le projet. On l’en dissuada[1].

Buffet flétrit avec sa robuste éloquence les argumens de la mauvaise foi : « De tous les reproches dirigés contre le projet, le plus inattendu est celui qui consiste à dire que cette loi manque de netteté et de franchise, et, quand j’entends formuler ce reproche par un membre de la commission, il me cause, je l’avoue, plus que de la surprise. M. Jules Simon a commencé par rendre hommage à la loyauté de ses collègues de la commission ; je me permets de lui demander comment il concilie la loyauté avec la feinte ? S’il y avait eu une feinte, ceux qui ont rédigé ce projet et ceux qui l’approuvent manqueraient de loyauté. Non, messieurs, il n’y a ni feinte, ni piège dans cette loi ; sa pensée est parfaitement nette, et le seul reproche à lui adresser, peut-être, c’est d’être trop radicale. Les articles actuels du Code pénal punissent dans tous les cas les coalitions, le projet de loi ne les punit dans aucun. Que peut-il y avoir de plus net qu’une semblable disposition ? Quand, pour nous montrer complètement justes envers les ouvriers, nous faisons une épreuve si hardie que beaucoup de bons esprits la croient téméraire, je ne comprends pas

  1. Carnet du maréchal Vaillant, du 30 avril 1864.