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sténographique, c’était plus que notre compte rendu analytique. Depuis Auguste, on les tenait secrets, mais les gens d’importance, comme Tacite, devaient en obtenir sans trop de peine la communication, et de fait, il les a une fois expressément cités (reperio in commentariis senatus). D’ailleurs ce qu’il y avait de plus important, ce que le public avait le plus d’intérêt à connaître, les lois, les décrets, les discours du prince et un résumé des séances du Sénat, passaient dans le Journal de Rome (Acta diuma populi romani), et ce journal était à la disposition de tout le monde ; non seulement on pouvait le lire dans les lieux où il était affiché, mais on le copiait, on l’envoyait en province, on le gardait dans les bibliothèques publiques et privées. Il était donc facile de le consulter, et, au moment où vivait Tacite, il semble que l’on commençait à mieux apprécier les services qu’il pouvait rendre. Vers la fin du Ier siècle, un savant grammairien, Asconius Pedanius, en avait déjà tiré un grand profit pour l’interprétation des discours de Cicéron ; plus tard, sous Vespasien, un général, un homme d’Etat, qui se trouvait être aussi un grand curieux, Mucien, recueillit dans les bibliothèques toutes les vieilleries de ce genre, et en forma onze livres d’anciens journaux et trois de lettres qu’il donna au public. Que ne donnerions-nous pas pour les avoir conservés !

Il n’y a pas de doute que Tacite ne se soit servi à l’occasion de ces documens officiels. Il cite les Acta senatus et les Acta diurna populi romani, au moins une fois chacun, et il est vraisemblable qu’il les a consultés plus souvent qu’il ne lui a plu de le dire. C’est de là sans doute qu’il tire les discours des princes dont il reproduit quelques passages ou que simplement il a mentionnés. Peut-être aussi les avait-il sous les yeux quand il raconte avec quelque détail les assemblées du Sénat et qu’il rapporte les opinions que chacun y a soutenues[1]. Mais, comme il ne croit pas que ce soit la peine de constater les emprunts qu’il y fait, il est difficile de savoir au juste dans quelle mesure il y a puisé. Ceux qui pensent qu’il en a fait plus d’usage qu’on ne le suppose s’appuient sur un passage des lettres de Pline le Jeune qui paraît bien leur donner raison. Pline, qui voulait qu’on parlât de lui dans la postérité, raconte à Tacite une querelle qu’il

  1. Ann. , II, 33, 35, 111, 55. Il est bien possible que lorsqu’il abrège ou refait la lettre de Pison à Tibère (Ann., III, 16), il eût l’original sous les yeux, puisqu’il ajoute : de Plancina nihil addidit.