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VII

La discussion fut ouverte par Seydoux, manufacturier considérable, bon et aimable boni me. Son discours produisit un effet d’autant plus sérieux, qu’il ne prenait pas habituellement part aux discussions. Une vive approbation ne cessa de le soutenir, et on peut dire que presque toute la Chambre était de l’avis de l’orateur, lorsqu’il conclut : « Repoussez un projet de loi dangereux, contraire aux intérêts des ouvriers et à ceux de l’industrie. »

Au sortir de la séance, la loi parut rejetée. La gauche se donna rendez-vous le lendemain matin à huit heures, pour convenir de la part qu’elle se ferait dans cet échec. Jusque-là, sa tactique avait été de soutenir la thèse du droit commun, puis de voter le projet comme réalisant un progrès. Elle en inventa alors une autre : considérer la loi comme une fausse concession, comme un piège tendu aux ouvriers, la rejeter en déclarant que mieux valait la loi ancienne. Le rejet obtenu, on pourrait dire avec sécurité tout le mal possible du projet, sans crainte d’être confondu par la pratique, et le rapporteur serait déshonoré. Ils furent d’accord, à l’exception de Picard et Dorian qui réservèrent leurs votes, pour adopter cette résolution, et le philosophe du Devoir se chargea de l’expliquer.

A la séance suivante, Morin, de la Drôme, qui avait, en 1849, déjà proposé la liberté des coalitions, et Darimon, qui les avait défendues au Corps législatif et dans la Presse, répondirent par des argumens concluans aux critiques de Seydoux, renouvelées par Kolb-Bernard. Peine perdue ; la majorité prodigua une fois encore ses applaudissemens à un adversaire de la loi, Jérôme David. Le projet lui semblait mal élaboré ; la liberté des coalitions serait incomplète sans le droit de réunion ; il regrettait, malgré sa déférence pour les honorables membres de la commission et sa très haute opinion de son rapporteur, qu’on n’eût pas eu le bon goût et la justice de parler de l’initiative généreuse de Sa Majesté l’Empereur, et que l’on ne reconnût pas que le projet, à quelque point de vue qu’on l’envisageât, n’était que la conséquence des efforts constans de l’Empire pour la cause ouvrière.

Avant qu’aucun député de la gauche eût pris la parole, je