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pourront arguer d’une prétendue société de fait ayant existé entre eux pour réclamer tout ou partie dudit actif. » C’était revenir par une voie détournée à la confiscation pure et simple. On se demande en effet quels pourraient être les ayans droit, sinon les membres de la congrégation dissoute, surtout après que tous les autres intéressés auront exercé leurs reprises. Mais, encore une fois, ce n’était ni à la Chambre, ni au Sénat à le dire ; c’était aux tribunaux. Divers amendemens, déposés et défendus par MM. Guérin et Tillaye, demandaient la suppression du membre de phrase qui excluait arbitrairement les congréganistes du nombre des ayans droit : finalement ils ont été votés. Malgré l’inquiétant progrès qu’ont fait depuis quelques années les doctrines collectivistes, la confiscation répugne encore à nos mœurs parlementaires. Nos Chambres ne sont pas mûres pour ce genre d’opération.

La discussion, au Sénat, a été plus longue et plus approfondie qu’on ne s’y attendait. Elle semblait avoir été épuisée à la Chambre des députés, et les radicaux ministériels du Luxembourg, dédaigneux de ce qu’ils appelaient d’avance des redites inutiles, annonçaient qu’il ne faudrait pas plus de deux ou trois séances pour expédier une besogne qui avait été faite ailleurs, et bien faite. La Commission s’inspirait de leur esprit. A plusieurs reprises, elle a manifesté son impatience d’aboutir : elle laissait entendre que les orateurs de la droite et du centre n’avaient d’autre but que de faire de l’obstruction. Puis, elle a pris son parti de ce qu’elle ne pouvait pas empêcher, et s’est prêtée d’assez bonne grâce à un débat auquel l’assemblée paraissait tenir. Toutefois, elle voulait en finir avant le 24 juin, où devait commencer le procès de M. de Lur-Saluces. Il a fallu, pour cela, tenir séance matin et soir, et le dernier jour il y a eu en outre une séance de nuit qui s’est prolongée jusqu’à plus d’une heure du matin. C’est ce qu’on n’avait pas vu au Luxembourg depuis longtemps : mais tout le monde a dit ce qu’il avait à dire. La droite a envoyé à la tribune ses meilleurs orateurs, MM. de Lamarzelle et Ponthier de Chamaillard, et aussi MM. de Goulaine, de Carné, Halgan, l’amiral de Cuverville. Le centre républicain a été représenté par MM. Milliard, Mézières, Bérenger, Rambaud, etc. Quant à la majorité ministérielle, elle s’est tue, laissant au ministère lui-même et à la Commission le soin de défendre la loi. On n’a guère entendu qu’un orateur de la gauche, M. Delpech ; il a d’ailleurs suffi amplement pour représenter les passions intolérantes dont ses amis sont animés. Il est même allé si loin que M. le président du Conseil, gêné par sa violence, a tenu à dire qu’il n’en acceptait pas la solidarité. Cette solidarité lui restera quand