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attribuent l’apparition tardive de l’affection, à l’infection fortuite du condamné par l’épidémie régnante.

On devine que la culture du bacille de la lèpre est encore plus difficile dans les milieux artificiels usités en bactériologie. Et, en effet, les tentatives de ce genre ont échoué, quoi que l’on ait voulu prétendre. Il semble pourtant que M. C.-H. Spronck, d’Utrecht, ait été plus heureux que ses prédécesseurs. Il a réussi, en 1898, à en obtenir le développement dans des bouillons simples de poissons. Mais la race de ces micro-organismes s’y modifie et y dégénère, quoique leur aspect général reste le même, et qu’ils soient immobiles, chromogènes, aérobies facultatifs à la façon du bacille originel. M. Spronck a observé un autre fait qui peut avoir son intérêt, c’est qu’il est possible de faire le sérodiagnostic de la lèpre de la même manière que l’on fait celui de la fièvre typhoïde.


VI

La question de la contagiosité est, à tous les points de vue, l’une de celles sur lesquelles il importerait le plus d’être éclairé. C’est l’opinion que l’on s’en fait qui règle, comme nous l’avons vu, la conduite observée vis-à-vis des lépreux et les procédés de la défense contre cette maladie. La plupart des médecins ont cru, en tout temps, à la contagion de la lèpre. L’opinion publique a, le plus souvent, jugé de même. Cependant, quelques observateurs éminens, surtout à notre époque, ont soutenu une doctrine contraire : et parmi ceux qui ont fait des réserves expresses à ce sujet, il faut citer Boeck, Danielssen et Virchow. Il y a donc des anticontagionnistes. Leur meilleur argument, c’est l’exemple des mariages où l’un des conjoints étant lépreux, l’autre est resté sain malgré une longue cohabitation ; et, de même, les cas si nombreux où, malgré la promiscuité continuelle et l’existence en commun, les parens et les amis échappent à la contamination. Au Japon, selon Kaposi, les individus sains et malades se trouvent réunis dans les marchés, les temples, les théâtres, les prisons ; souvent ils vivent pêle-mêle ; ils boivent et mangent dans les mêmes ustensiles, couchent ensemble, sans se communiquer la maladie quoiqu’ils présentent souvent des excoriations et des plaies favorables à sa transmission. Zambaco-Pacha relate des exemples d’époux vieux et jaloux