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qui la rongeait. C’est lui qui a fait disparaître, en une quinzaine d’années, l’épidémie qui ravageait la Norvège.

Le type extrême de cette manière brutale et forte est offert par les Etats-Unis. Elle est en vigueur aux deux extrémités du continent Nord-Américain, à New York et à San Francisco. A l’entrée du chenal de New York, à Sandy Hoop, on a déporté sur un îlot désert un certain nombre de lépreux, qui reçoivent, une fois par semaine, par bateau, les vivres qui leur sont nécessaires. Il est interdit de les visiter.

A San Francisco, les lépreux sont séquestrés dans une prison, au Pest-house, loin de la ville, dans des conditions hygiéniques déplorables qui s’ajoutent à l’insalubrité du lieu. Il n’existe pas de régime plus draconien. Il ne reste plus, après cela, que la mise hors la loi, comme elle a été appliquée dans les temps les plus durs du moyen âge.


III

Le grand fait qui domine l’étude de la lèpre et qui l’éclaire jusque dans ses profondeurs, c’est la découverte de sa nature microbienne, c’est-à-dire parasitaire. Il y a un bacille qui est la cause efficiente de la maladie. C’est à cet agent et à ses manières d’être et de réagir vis-à-vis de l’organisme, qu’il faut rapporter les symptômes de l’affection, les désordres qu’elle engendre, les modes de sa propagation. Cette observation fondamentale est due à un médecin norvégien, le docteur A. Hansen, qui, aux environs de 1870, étudiait avec soin l’épidémie qui s’était déclarée à Bergen. Bientôt après, le professeur Neisser (de Breslau) retrouvait ce micro-organisme et fournissait un moyen de le colorer, et par conséquent de le déceler et de le reconnaître. De là les noms de bacille de Hansen ou bacille de Hansen-Neisser, sous lesquels il est connu.

Avant l’acquisition de cette notion capitale, les connaissances sur la lèpre étaient restées très vagues. On aurait pu croire que cette maladie qui avait désolé si longtemps l’Europe, et qui est encore si répandue dans les autres parties du monde, n’avait plus de secrets pour la médecine, au point de vue nosologique. C’est une erreur. Jusqu’au milieu environ du XIXe siècle, on n’en a connu que peu de chose. Son étude était restée, pour ainsi dire, sans base scientifique. Les investigations de Bœck, en