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partagent la collecte. Ils administrent leurs affaires sous la direction d’un chef. Ils se marient ; quelques-uns ont plusieurs femmes. Zambaco-Pacha, qui les a visités, a donné la description de l’un de leurs taudis. « Là, dit-il, dans quatre pièces ignobles, dont l’atmosphère suffoque, comme celle d’un dépôt de chiffons et d’os, habitent trente-six lépreux musulmans et une chrétienne grecque, qui couchent pêle-mêle sur des nattes pourries et des haillons ramassés dans les ordures. Dans un coin obscur de ce dépôt de mendicité, gît un débris d’être humain, dans un état de mutilation et de décomposition impossible à décrire. » Dans bien d’autres léproseries, les malheureux hospitalisés sont laissés dans un état de misère et d’abandon encore plus affreux.


On peut dire, en définitive, que dans le temps présent les lépreux sont traités de la manière la plus différente suivant les pays et l’état des mœurs. L’élément qui a le plus d’influence sur le traitement qu’ils reçoivent, c’est l’idée que se forme la population du degré de contagiosité plus ou moins grande de l’affection. Au Cambodge, au Japon, dans quelques pays d’Europe tels que l’Espagne, où la lèpre est considérée avec pitié, comme une affection ordinaire, on laisse aux lépreux la plus grande liberté : ceux qui sont riches se soignent chez eux ; ceux qui ont des métiers continuent à les exercer tant que la marche de la maladie le leur permet : ceux qui sont misérables recourent à la charité publique ; ils mendient sur les routes, ou demandent l’aumône à la porte des églises, des temples et des pagodes. Ils sont reçus dans les hôpitaux et traités à côté des autres malades, quand leur infirmité s’aggrave.

Dans une seconde manière, ce sont les conseils médicaux et l’état de l’opinion qui imposent au malade un isolement plus ou moins complet. C’est le régime le plus général : il est en vigueur en de nombreux pays, à Singapour, aux Indes, dans la Guyane française.

L’isolement obligatoire et permanent est une troisième manière, qui répond à une situation plus périlleuse. L’opinion publique est persuadée de la contagiosité du mal. La population exige l’internement ou tout au moins la séparation du sujet contaminé d’avec le reste de la communauté. C’est là un moyen héroïque par lequel un pays peut espérer se débarrasser d’un fléau envahissant. Il a réussi jadis à débarrasser l’Europe, du mal