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orientale, la population indigène est également sujette à la maladie. On croyait, jusqu’ici, que les Européens, fonctionnaires, soldats, commerçans, échappaient à la contamination. Des exemples récens ont montré la vanité de cette immunité prétendue. La presse médicale a signalé, en 1899, des cas authentiques de contagion, s’attaquant aux étrangers peu de temps après leur arrivée dans le pays.


Il semble, d’après tous les faits connus, que le danger de contamination vienne plutôt du fait d’habiter un pays lépreux, que du fait de fréquenter des habitans lépreux. Et ces pays, où le fléau endémique peut devenir contagieux et même épidémique, ne sont pas seulement les pays chauds, ainsi que l’on vient de le voir. Il y a d’autres causes prédisposantes, plus efficaces que le climat. On a cité, entre autres, l’alimentation. Jonathan Hutchinson et Zambaco n’ont pas craint d’affirmer que l’usage des poissons en décomposition et des salaisons altérées était l’une des plus efficaces. Cette opinion est corroborée par le fait que les ravages de la lèpre s’étendent à presque toutes les populations riveraines de la mer et ichtyophages.


II

La réapparition de la lèpre en Europe n’est qu’une conséquence de l’extension considérable de cette affection dans les pays d’outre-mer, et de la multiplication de nos rapports avec eux. Au total, il faut évaluer au-delà d’un million le nombre des lépreux dans le monde entier. Là-dessus, le contingent de l’Europe est à peine de quelques milliers : la grosse part revient aux contrées exotiques ; et surtout à la Chine, au Japon, aux Indes anglaises et à la Birmanie, pour l’Asie ; au Brésil et à la Colombie, pour l’Amérique du Sud ; à Madagascar, pour l’Afrique ; aux des Hawaï ou Sandwich, à la Nouvelle-Calédonie, parmi les îles océaniennes.

La proportion des lépreux à la population, dans ces contrées contaminées, oscille autour de 1 pour 1 000 : elle dépasse ce chiffre dans beaucoup de cas. Pour ne parler que des colonies françaises, le rapport de 1 à 1 000 est atteint en Cochinchine et au Tonkin ; il est dépassé à la Guyane et en Nouvelle-Calédonie : il monte à 3 pour 1 000 au Cambodge ; à Madagascar, il s’élève,