Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évolution s’accomplit, — et ils se réunissent pour en conjurer les périls…

Le siècle qui est fini, fut le siècle de la prison, de l’examen, de la séparation de leur famille pour les enfans — et de la routine pour les hommes. Le siècle qui commence sera-t-il celui de la réunion en famille pour les enfans et de l’audace pour les hommes ? Qui sait ?… O Enfans de France, enfans, qui nous regardez du fond de vos cadres d’or avec cette flamme dans les yeux que les Maîtres ont allumée et cette auréole blonde autour du front que l’âge n’a pas éteinte, vos images sont remplies de plus d’énigmes que celles des sphinx de la vieille Égypte et d’énigmes plus passionnantes, parce que de leur solution dépend le lendemain de ce pays ! Laissons les archéologues interroger les autres. Nous vous interrogeons, nous tous, ignorans et obscurs, qui passons dans ce Petit Palais, car vous êtes le tribunal d’appel où ressortissent toutes les causes que nous agitons en ce moment. Sur quels horizons vos grands yeux sont-ils ouverts ? De quelles semences vos petites mains sont-elles pleines ? Irez-vous là-bas, vous tailler la part du lion dans les agonisans Empires ? Verra-t-on en vous l’exagération de notre scepticisme moderne ou, au contraire, la réaction de notre vieil esprit national ? Serez-vous ce que trop souvent nous fûmes : des dilettantes ingénieux à s’amuser du bruit que fait un monde qui s’écroule ? Ou bien, — s’il est vrai que « les pères ont des fils qui ressemblent au fond de leurs pensées, » — serez-vous les hommes que nous eussions secrètement désiré d’être, tout en affichant pour l’idéal, pour le sacrifice de soi, pour la pure Beauté, une indifférence qui n’était pas dans nos cœurs ? Continuerez-vous à chercher le confort, le plaisir, le placide tableau de nos existences individualistes, c’est-à-dire la médiocrité de la vie, ou bien, chercherez-vous enfin ce que nous trop souvent nous négligeâmes : l’effort commun, l’audace, l’imprévu, le sacrifice, c’est-à-dire l’Esthétique de la vie ?


ROBERT DE LA SIZERANNE.