Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Enfant dans les traités savans des Locke, des Coménius ou des Pestalozzi, et un peu plus sa nature dans les beaux portraits d’enfans peints par les Maîtres. La nature ne serait-elle pas une savante conseillère non seulement de beauté, mais d’éducation ?

On s’en est avisé dans ces dernières années, et, en même temps que les peintres cessaient de morigéner leurs petits modèles pour leur faire prendre des poses préconçues et se mettaient à les observer pour apprendre d’eux les mouvemens de la nature, voici que les éducateurs commençaient à le fatiguer moins de leurs instructions et à s’instruire eux-mêmes en l’observant. Physiologues, médecins, philologues, poètes, critiques, se sont mis à observer la nature infantile comme une chose toute nouvelle à laquelle on n’aurait pris jusqu’ici garde que pour la combattre. L’interversion des rôles est totale. Autrefois, l’enfant était devant l’homme comme le pâtre antique devant la Sibylle, attendant tout de lui, pensant qu’il pouvait tout en apprendre. « Qui a fait le soleil ? Combien de temps les morts restent-ils morts ? Pourquoi la douleur ? Qui a fait Dieu ?… » Et l’homme, imperturbablement, lui expliquait tout cela. Aujourd’hui, c’est l’homme qui se place avec curiosité en face de l’enfant. Il s’est avisé que ce petit instinctif pourrait peut-être lui apprendre ! beaucoup sur ce qu’il cherche : origine du langage, origine des mouvemens réflexes, origines de l’espèce, origine des idées innées, — et il l’observe attentivement. Depuis les Universités de Massachusets jusqu’aux vieilles écoles italiennes, tous ces hommes dévoués à des sciences dont les noms mêmes sont nouveaux : naturalisas, biologistes, sociologues, psychologues évolutionnistes, viennent se grouper autour du nouveau-né pour surprendre, dans son maintien, dans ses cris, dans la préhension de ses menottes au contact d’un bâton, dans la direction de ses yeux à l’approche d’une couleur, dans la « profusion de ses lèvres, » dans le redoublement de ses syllabes, le secret de nos origines ancestrales. Ces fronts chauves se pressent, attentifs, autour de. la tête à auréole blonde. L’Enfant, comme autrefois, enseigne les Docteurs…

Que leur enseigne-t-il donc ? D’abord, peut-être, que la nature est plus habile que nous à décider ce qui lui manque, et que l’esprit enfantin qui s’éveille va de lui-même assez sûrement aux nourritures dont il a besoin. L’enfant aime à jouer, et c’est déjà une indication que la nature nous donne. Mais, pour la comprendre, il faut faire une grande distinction entre les jeux