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qui entra en colère et poursuivit reniant de son bâton, quittant brusquement ses deux amis. » — Le philosophe n’avait cependant pas tort, et l’incident qui vint l’interrompre ne prouvait pas que les enfans ne font pas bien de jouer à la balle, mais simplement que les philosophes font mieux d’aller exprimer leur apologie des turbulences enfantines loin du théâtre où elles se déploient ; que les parens sont excusables de défendre leur Travail ou leur repos contre les entreprises des petits : et qu’enfin il y a peut-être incompatibilité d’humeur entre la vie normale des adultes et la vie normale des enfans.

Mais pas plus grande qu’entre notre vie et celle d’un explorateur, d’un poète, d’un chimiste ou d’un escrimeur. La grande différence, c’est que le chimiste ne casse pas une potiche, mais risque de faire sauter la maison ; que l’explorateur importune de ses questions des peuples entiers, et que les exercices par lesquels un homme fait développe sa vigueur physique secouent les planchers de tout un étage, ou, si c’est un pianiste perfectionnant son doigté, rendent inhabitable tout un quartier… Et, enfin, si la conscience de l’enfant est mal fixée sur la distinction le vrai et du faux et s’il ment de façon à rendre douteuses quelques-unes de ses affirmations, qui pourrait croire tout ce que dit un poète ? et qui, dans l’habitude de la vie, s’accommoderait d’un romancier qui mêlerait continuellement à ses conversations sur les faits réels et journaliers le récit de ses conceptions ? Cependant à tous on fait fête, comme on fait fête à l’enfant, s’ils apparaissent un instant, puis disparaissent, leur rôle joué, mais on ne souhaite nullement vivre au milieu de leurs exercices quotidiens.

Défauts bruyans du batteur de fer, défauts de l’explorateur, défauts du poète, défauts de l’alchimiste, ce sont donc là les conséquences obligées de son combat pour la croissance et la vie. Ses caractéristiques sont des nécessités. Le rôle un peintre n’est pas de les redresser, ni son talent de les amoindrir. Son rôle est de les saisir dans leur épanouissement sincère et son talent d’en tirer tout ce qu’ils comportent de joies exubérantes, — et de beauté.


III

Ne serait-ce pas aussi le talent du pédagogue ? et ne ferait-il point sagement lui-même de regarder un peu moins l’idéal de