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l’herbe, eût-il la joue bossuée d’un croûton de pain comme le Mendiant de Murillo, c’est un chérubin et on l’adore. De ces quatre petites filles, l’une s’assied sur le tapis, deux autres s’adossent dans l’ombre à une potiche… Elles ont raison, et M. John Sargent les peindra de la sorte, sans même leur faire qui fier leurs tabliers. Ils règnent partout, ils envahissent tout.


Je vous livrerai tout, vous toucherez à tout.
Vous pourrez sur ma table être assis ou debout,
Et chanter et traîner, sans que je me récrie,
Mon grand fauteuil de chêne et de tapisserie…


leur dit le Grand-Père. Le peintre aussi sait bien que, de cette concession faite à la nature, c’est son art qui profite, et que la première condition pour tracer un portrait vivant de l’enfance, c’est de laisser vivre l’enfance chez l’enfant.

En même temps qu’une personnalité propre, on lui attribue un costume. Pour ce nouveau roi, on crée des modes exhumées des plus belles de notre costume français. On les chamarre, on les emplume, on les embreloque. Autrefois, l’enfant n’avait pas de costume particulier : on peut assez imaginer qu’au temps où le comte de Rochechouart demeura jusqu’à l’âge de six ans chez sa nourrice à Saint-Germain-en-Laye et où le duc de Lauzun pouvait dire : « J’étais comme tous les enfans de mon âge et de ma sorte ; les plus beaux habits du monde pour sortir, nu et mourant de faim à la maison, » on ne se mettait guère en frais pour ajuster à l’enfant une toilette qui lui fût propre. On l’habillait comme ses parens, en réduisant tant bien que mal leur défroque. Pour les habits d’apparat, on reproduisait les habits de cour en miniatures. Regardez les costumes d’enfans du XVe au XVIIIe siècle : ce sont des réductions de costumes de dames ou de seigneurs. La petite Marguerite de France est habillée à huit ans, chez Clouet, comme Marie-Stuart reine de France : la même robe de drap d’argent, pareillement décolletée selon la même coupe, semblablement brodée d’argent, sur le devant, en haut des manches, avec des perles en collier et en bordure selon le même dessin. Même coiffure aussi. Mme de Staël, petite fille, dans son curieux portrait exposé au Petit Palais, porte le même hérisson et le même pouf, avec boucles détachées, que les grandes dames de son temps. Sous Louis XV, le costume ne distingue pas l’Age. Au lieu d’une grande cloche, on voit une