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aux pieds de l’Enfant-Dieu ; que tant d’hommes de cœur aient su se grouper dans cette commune action pour l’avenir du pays, que pendant deux mois ce Petit Palais soit redevenu tout bourdonnant de travail et de rires ; qu’il nous ait montré tout ce qui peut aider, consoler, réjouir, fortifier les générations nouvelles ; qu’au milieu des ruines de tous les autres palais de l’Exposition lombes sous le pic du démolisseur, de hardis constructeurs d’avenir édifient tant d’œuvres appliquées à un solide dessein ; voilà ce qui ferait mentir les prophètes de malheur dans ce pays et donnerait une fois de plus raison au proverbe hindou : « A mesure que viennent tous ces beaux enfans, ils attirent vers eux notre âme endurcie, comme la baguette d’aimant attire une masse de fer. »

Au milieu de ces graves soucis, une surprise délicieuse attendait les visiteurs. On avait suivi ce long chemin demi-circulaire bordé d’hôpitaux en miniature, de sanatoriums en papier, de crèches, d’asiles, de dispensaires, toutes ces forteresses élevées contre le vice, contre l’ignorance, contre la misère ; on avait vu tout ce qu’imagine la science lumineuse et l’ardente charité pour transformer les petits tuberculeux, les petits scrofuleux en forces vives, pour faire voir ceux qui n’ont pas d’yeux et parler ceux qui n’ont pas de voix, pour rendre un foyer aux abandonnés et un chemin aux dévoyés, pour fortifier, chez tous ces nouveau-nés, l’idée que la patrie où ils sont venus vivre et souffrir n’est pas une marâtre, leur traduire sans trop d’ironie, hélas ! le vers qu’on leur dira d’admirer :


Incipe, parce puer, risu cognoscere matrem


lorsque, au détour d’une salle, voici une réunion d’enfans, tous heureux, tous sourians, tous beaux, — jouant, songeant ou posant dans des cadres d’or. Ainsi, quand on revient de la banlieue dans le centre de Paris et qu’on a traversé la périphérie ; des quartiers pauvres, où les petits jouent sur le pas des portes et se pressent à l’entrée des asiles, on se trouve au milieu de la ville, en présence des beaux enfans riches, jouant aux Champs-Elysées. Ce sont des Portraits d’Enfans, — enfans de jadis, enfans d’hier et d’aujourd’hui, hommes de demain : depuis Charles-Quint et Jeanne la Folle enfans, peints par Cranach, jusqu’aux héros de Gyp, dont vous entendez les cris et les rires sous les hautes fenêtres du Palais de M. Girault. Assurément, cette revue