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Notre étude étant avant tout économique, nous ne parlerons pas en détail du port militaire de la Spezzia, voisin de celui de Gênes, dans lequel les Italiens ont concentré leurs excellentes et magnifiques installations. L’immense rade, une des plus belles de la Méditerranée, est si profonde que les plus gros cuirassés s’amarrent à leurs coffres près du bord. Dans chacune de ses anses est logé un établissement de la marine : magasin des torpilles, réglage des torpilles, polygones, poudrières. L’arsenal est entouré d’un large canal qui l’isole de la ville, rend la surveillance facile et les vols de matières malaisés. Des chantiers de construction de la Spezzia sont sortis les principaux cuirassés italiens, dont les dimensions avaient dépassé un moment celles des navires des autres flottes ; nos voisins sont revenus aujourd’hui à une conception différente : ils réduisent le tonnage. Ainsi la Regina Margherita, actuellement sur chantier, n’est que de 13 426 tonnes ; sa cuirasse n’a que 15 centimètres d’épaisseur ; mais son artillerie est formidable ; sa vitesse, de 20 nœuds et demi ; son rayon d’action, en charge normale, de 1 000 milles supérieur à celui de nos navires, dont la vitesse n’est que de 18 nœuds. En un mot, la puissance défensive du cuirassé est sacrifiée à sa force d’offensive ; il est plus rapide, mieux armé ; il porte plus de charbon dans ses soutes, il est par conséquent capable d’affronter de plus longues traversées. Parmi les installations de la Spezzia, la cuve d’expériences est une des plus intéressantes. Au-dessus d’un canal de 150 mètres de long et de 6 mètres de large, roule un chariot mû par l’électricité. Sous ce chariot, qui porte des appareils enregistreurs, on attache le modèle en paraffine du navire que l’on étudie ; après un certain nombre de courses sur le canal, les défauts et les qualités du bâtiment ont pu être constatés mathématiquement. La France ne possède point de cuve d’expériences, alors qu’il en existe aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne.

Si Marseille est sa rivale de l’ouest, Gênes doit aussi compter avec Trieste, le grand port de l’Adriatique, où le mouvement général de la navigation a été, en 1899, de 17 751 navires jaugeant 1 354 000 tonneaux ; les deux tiers des navires, le quart du tonnage, reviennent au pavillon austro-hongrois. La valeur des marchandises importées et exportées par l’Autriche-Hongrie a été de 670 millions de francs ; par l’Italie, de 210 millions ; par la Turquie, de 155 millions ; par les Indes anglaises, de 95