Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ayant rien vu de semblable dans ses lettres, et je me flatte qu’il ne m’attend que lorsqu’il n’y aura plus rien à faire qu’à subsister avec le plus de commodité possible, pendant tout le reste de la campagne. S’il avoit quelques pensées pareilles sur moy, j’espère qu’elles seront entièrement effacées de son esprit quand il sçaura la conduite que je tiens ici où je n’ay encore pris et ne prendray de quelque temps aucunes mesures pour user de sa permission[1]. »

C’était le 12 septembre que le Duc de Bourgogne écrivait cette lettre. Il n’en quittait pas moins l’armée le 18, bien qu’il sût que la campagne n’était point terminée et que Tallart avait été autorisé par le Roi à entreprendre le siège de Landau. Mais, à la Cour, on ignorait ce projet et l’on croyait la campagne terminée. Aussi fut-il bien accueilli. Il avait pris Brisach, comme autrefois Louis XIV avait pris Namur. Il s’était fait aimer du soldat et il avait montré de la vaillance au feu. C’était tout ce qu’on demandait à un jeune prince ; on peut ajouter : tout ce qu’on était en droit de lui demander, car, lorsque ni Chamillart, ni Tallart, ni Vendôme, ni Vauban lui-même ne comprenaient la nécessité de tout combiner, de tout sacrifier pour venir en aide à Villars, il aurait fallu un coup d’œil militaire singulièrement exercé pour deviner que du côté de Villars était la conception de génie.

Une prompte grossesse de la Duchesse de Bourgogne achevait bientôt de mettre tout le monde en joie. De nouveau les chansons circulaient sur :


la bonne besogne
De M. le Duc de Bourgogne.


et personne ne lui savait mauvais gré de ce retour précipité, sauf peut-être, en secret, le Roi. En effet, la condition que le Duc de Bourgogne avait mise à son retour ne fut pas remplie. Il ne lui fut pas permis de repartir pour rejoindre l’armée qu’il avait quittée un peu prématurément, et qui, au mois d’octobre, entreprenait le siège de Landau. Tallart ne se souciait pas de partager avec lui la gloire de ce second siège comme celle du premier. Aussi paraît-il avoir fait son possible pour le tenir éloigné de l’armée, alléguant dans plusieurs de ses dépêches les

  1. Dépôt de la Guerre, 1667. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 12 sept. 1703.