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rend bien compte qu’à la Cour, c’est le motif auquel on attribuera son retour, et il va au-devant de cette interprétation dans une lettre à Mme de Maintenon : « Je n’ai demandé mon retour, lui écrit-il, qu’en alléguant des raisons solides et en me justifiant par là de celles qu’on auroit pu trouver de quelque autre côté, peut-être aussi touchant, mais pas si juste en pareille occasion. J’espère que vous entendez ce demi-mot[1]. »

Au moment où il allait fixer le jour de son départ, il reçut de la Duchesse de Bourgogne une lettre qui paraît bien avoir eu pour but d’empêcher son retour. Il n’est pas malaisé de deviner pourquoi elle se souciait peu de voir revenir ce mari trop amoureux. « Le Roi, lui mandait-elle, a été fort surpris que vous vous pressassiez si vite de demander à revenir, la campagne n’étant point encore avancée, et vous étant encore au siège, ce qui lui fait croire que vous n’aimez pas plus que les autres la guerre, ce qui l’a fort fâché, ce que vous verrez apparemment par la lettre qu’il vous a écrite. » Cette lettre, peu obligeante en effet, l’émeut et le trouble. « L’amour-propre a souffert, écrit-il à Beauvillier, lorsque j’ai vu le peu de fondement de cette opinion, pendant que je ne demande qu’à demeurer et que j’ai demandé aussi instamment à marcher que je l’ai fait dans ces deux dernières années[2]. » Il n’a trouvé du reste rien de semblable dans les lettres du Roi, mais il n’en expédie pas moins, le même jour (12 septembre), une longue lettre évidemment destinée dans sa pensée à passer sous les yeux de son grand-père et où il fait part à Chamillart de son émotion.

« Il m’est revenu, lui écrit-il, quelque chose qui m’inquiète beaucoup, c’est le bruit qui court que je suis déjà parti pour m’en retourner. Je croy cependant que, d’après la manière dont j’ay écrit au Roy en luy demandant mon congé, après ce qu’il m’a dit de ne point me servir avec précipitation de la permission qu’il m’en donne, il me fait la justice de n’estre point de ceux qui me croyent déjà parti, ce qui m’affligeroit sensiblement. J’ay trop d’envie de luy plaire et j’ose dire aussy que je ne compte pas ma réputation et ma gloire pour si peu que de ne pas remplir tous mes devoirs et la volonté du Roy mesme avec surabondance. Je n’ay osé lui faire part de cette peine que j’avois,

  1. Correspondance générale de Mme de Maintenon, t. V, p. 222.
  2. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvillier, par le marquis de Vogüé, p. 219-220,