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un coup d’État ? Matériellement, il ne serait pas impossible ; mais après ? Comment se soutenir ? Un coup d’État n’est praticable que lorsqu’on a toute une nation derrière soi qui vous le demande. Il est temps de renoncer aux abus du népotisme, aux choix scandaleux, de donner, sinon immédiatement toute la liberté politique, du moins la liberté civile et d’étudier les problèmes sociaux. Il est surtout urgent que l’Empereur, cessant de procéder par voie de surprise, ne laisse plus ses conseillers dans l’ignorance complète de sa politique extérieure. Objectera-t-on les indiscrétions ? On pourrait avoir deux conseils : l’un, restreint, pour les Affaires étrangères, l’autre, plus étendu, pour les affaires ordinaires. »

Dans cette note, il ne parlait pas de la responsabilité ministérielle, c’était prématuré, mais, dans notre conversation, il déclara en être tout à fait d’avis, et m’expliqua par quel procédé il entendait la concilier avec le Sénatus-consulte fondamental. « Si elle devait avoir pour corollaire ou pour point de départ l’irresponsabilité impériale, il serait indispensable de recourir à un plébiscite, comme le répètent Billault, Baroche, parce qu’ils savent que l’Empereur ne veut pas même en entendre parler ; mais qui empêcherait d’envoyer les ministres au Corps législatif, par un décret individuel, en qualité de commissaires du gouvernement ? Aucune restriction ne limite à cet égard la plénitude du choix de l’Empereur. »

À ce propos, il me parla de Thiers : « Il n’y a rien à tenter avec lui ; il est aimable, mais d’une outrecuidance sans pareille ; tant que vous ferez campagne ensemble, il vous trouvera très gentil ; dès que vous ne penserez pas de même, vous ne serez plus qu’un imbécile. Tâchez aussi d’empêcher Dufaure d’arriver, et faites nommer des hommes jeunes pensant comme vous. Mais il faut que nous sortions des généralités : ayez la bonté de rédiger des notes indiquant nettement ce que vous voudriez, afin que nous nous mettions d’accord sur les choses, puis nous nous entendrons sur les personnes ; et, à la session prochaine ou plus tard, je proposerai ces idées à l’Empereur. Avec Billault, Baroche, etc., il n’y a rien à faire ; ces anciens opposans d’autrefois sont plus rétrogrades que moi, ancien conservateur. Pensez, je vous prie, à tout ce que je vous ai dit. — Je vous le promets et je viendrai en causer avec vous à la rentrée. Seulement, je puis vous le dire dès maintenant : je suis absolument décidé à n’entrer