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Son bonheur voulut qu’il se trouvât pour les mettre en pratique une quasi-Reine de France et que cette Reine eût, chez Mme de Villette et de Neuillant, vécu sur le pied de parente pauvre. Sa compassion pour la noblesse indigente jointe à cette vocation d’institutrice qui est chez elle le trait de nature, avait dicté à Mme de Maintenon la fondation de Saint-Cyr. En dépit de certaines hésitations et repentirs, et à travers des influences diverses, elle y suit une pensée qui ne dévie pas. Les jeunes filles dont elle s’est faite la maîtresse d’école sont appelées à vivre dans le monde : qu’elles s’habituent donc à se régler sur les exigences du monde, qui ne sont pas celles du cloître, et qu’elles y conforment d’abord leur piété ! Quand elles seront mariées, qu’elles sachent manquer l’heure de vêpres, plutôt que de manquer à soigner leur mari ! On cherchera à les établir, quoique, ce qui fait le plus défaut à Saint-Cyr, ce sont les gendres ; qu’on leur parle donc des devoirs d’une femme mariée ! « Quand vos demoiselles auront passé par le mariage, elles verront qu’il n’y a pas de quoi rire. » Le mari qu’elles peuvent espérer de trouver, c’est un hobereau qui les emmènera dans sa triste gentilhommière. Qu’elles apprennent donc à devenir de bonnes dames de campagne ! Non seulement elles seront expertes aux travaux de couture, mais on les familiarise avec tous les soins de l’intérieur : elles font leur chambre : chaque matin tout Saint-Cyr a en main le balai. C’est par cette merveille d’exacte adaptation que, du vivant de Mme de Maintenon, Saint-Cyr mérita de passer pour un type de l’éducation sérieuse et solide. Plus tard, lorsque Napoléon s’avisera de prendre à sa charge l’éducation des filles de ses légionnaires, Mme Campan croira n’avoir rien de mieux à faire que de modeler Écouen sur Saint-Cyr.

C’est dans la raison qui lui était naturelle, dans les souvenirs de son enfance besoigneuse, et dans les leçons de Fénelon que Mme de Maintenon avait puisé toute sa pédagogie. Le fond raisonnable est ce qui. manque le plus à cette raisonneuse que fut Mme de Genlis. Elle a l’humeur romanesque. « Je suis née avec le goût des choses extraordinaires. » Et elle dit aussi : « Je suis fausse. » Son humeur romanesque devait être encore développée par l’éducation qu’elle reçut et qui fut, de son aveu, la plus absurde qui se pût imaginer. Confiée d’abord aux soins de femmes de chambre qui ornèrent son esprit d’histoires de revenans, elle passa aux mains d’une institutrice qui lui apprit tout ce qu’elle savait : à jouer de la harpe. L’abrégé d’histoire du P. Ruffier la dégoûta une bonne fois de l’histoire. « Mon père tira de sa bibliothèque Clélie de Mlle de Scudéry et le théâtre de Mlle Barbier ; il nous donna ces