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LES FLEURS

Filles de la nature et de l’homme, aimées de tous les âges, compagnes de la douleur et de la joie, de la vie et de la mort, inspiratrices éternelles d’idéal, confidentes de l’amour, interprètes de l’amitié et de l’harmonie, de la paix et du bon goût, les fleurs ne sont pas seulement, depuis les temps les plus reculés, chantées par les poètes, reproduites par les peintres, les sculpteurs et les architectes, — elles ont encore leurs arts propres, leurs sciences, leur histoire, leur économie politique, leurs industries, et jusqu’à leur langage : elles sont en état de perpétuel devenir, et se prêtent aux métamorphoses les plus inattendues. Pendant le XIXe siècle surtout, les progrès accomplis dans la floriculture tiennent du miracle. Floralies, expositions, sociétés, congrès internationaux, médailles, décorations, revues, journaux, conférenciers, écrivains, rien ne manque à la gloire des fleurs, et c’est par centaines qu’on pourrait énumérer les volumes consacrés à la rose, au chrysanthème, à l’orchidée, comme c’est par milliers qu’on peut compter les personnes qu’elles enrichissent ou font vivre en France seulement. Chaque mois, presque chaque jour voit éclore une nouvelle variété, et sans cesse, du fond de l’Asie, de l’Amérique, de l’Afrique, surgissent de précieuses conquêtes, obtenues parfois au prix de sérieux dangers par de hardis explorateurs ; car la fleur a ses missionnaires, comme la religion, comme le patriotisme, comme l’or même. Avouons-le aussi, elle a ses perfidies : telles fleurs tuent, empoisonnent, servent à préparer de violens toxiques. Et cette révolution florale se développe, pourrait-on dire, en progression géométrique, tandis qu’auparavant