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plus en plus vigoureux. Comme ces rainures ont 100 divisions, correspondant chacune à l’intensité d’un demi-volt, elles permettent de jouer de la lumière comme on joue du son, avec les touches d’un piano, ou comme on jouerait de la chaleur, si l’on pouvait modifier la température d’une salle en élevant de 1 à 100 les degrés d’un thermomètre.

Pour éclairer suffisamment une grande scène, il faut l’éclairer trop : à l’Opéra, 18 projecteurs sont placés sur les ponts, à droite et à gauche. Leur lumière est parfois seule possible, lorsque le décor n’emploie aucun châssis où se puissent accrocher des portans, comme dans le champ de blé de Messidor. Jusqu’ici, leur puissance variait de 300 à 1 600 bougies ; des réflecteurs d’un système nouveau, juchés aux cinquièmes loges du milieu, ont inauguré, dans Astarté, la projection de face. Avec ces appareils, créés par le colonel Mangin pour la télégraphie optique et expérimentés des côtes de France à celles d’Espagne, il est possible de faire des signaux à 300 kilomètres de distance, en se servant d’un écran de nuages. La courbe de leur miroir a été calculée de façon à recueillir tous les rayons émis et à les concentrer en un foyer. Le prix élevé de ces instrumens, — 3 000 francs, — qu’explique le travail difficile d’un verre qui doit résister à la chaleur, est compensé par l’augmentation du rendement lumineux. Les deux projecteurs nouveaux équivalent ensemble à 7 500 bougies ; des plaques de gélatine colorée tempèrent leur éclat, qui serait presque pénible au naturel.

L’éclairage de front diminue l’ombre des acteurs et surtout la renvoie derrière eux. Avec les lampes à arc des coulisses, leur silhouette s’étale et s’accuse si durement sur le plancher, que souvent, lorsqu’un personnage reçoit d’un côté une projection blanche, il faut, par une projection bleue de l’autre côté, corriger son ombre pour rétablir le sentiment du plein air. Ces combinaisons de couleur servent souvent aux effets scéniques : le spectre d’Hector, dans la Prise de Troie, parle-t-il à Enée endormi, son visage, sans que l’on puisse dire comment, apparaît irradié et pourtant livide. Sur lui est dardé un rayon vert dont nul ne peut voir la fusée, parce que l’on a soin de faire brûler un feu rouge à côté d’Enée et de projeter du rouge au milieu de la scène. Or, suivant les lois de l’optique, la vue du rouge soustrait au public celle du vert.

C’est la lumière électrique qui, rampant en « traînées » derrière