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feu d’artifice ; en 1835, la Gaîté, fondée par le fameux Nicolet sous le nom de « théâtre des Grands Danseurs du Roi ; » en 1836, le Vaudeville, place de la Bourse ; en 1873, l’Opéra de la rue Lepelletier ; enfin l’Opéra-Comique en 1887, et l’an dernier, le Théâtre-Français.

Pareils sinistres, dont les autres nations n’ont pas été exemptes, — témoin celui du Ring-théâtre, à Vienne, où périrent 380 personnes, — pourraient-ils être évités ? L’évacuation normale ne durant jamais plus de cinq minutes, les spectateurs auraient toujours le temps d’échapper, si la panique ne clouait les uns à leur place, tandis que les autres, se ruant affolés sur les issues et s’y écrasant avec rage, ne les obstruaient par leur effort même. Quant à éteindre l’incendie, il n’y faut pas songer : pompiers en vigie dans les coulisses, tuyaux de secours, réservoirs dans les cintres, cela n’a jamais sauvé aucun théâtre ; une fois le feu pris dans ces matières combustibles, tout est perdu. L’électricité supprime certains dangers, — fuites de gaz amoncelé dans les combles, inflammation d’une « bande d’air » par la herse qui l’avoisine ; — mais elle en crée d’autres : les courts-circuits, impossibles à éviter.

La surveillance est seule capable de prévenir les désastres ; y a-t-il un bout de toile qui brûle, le machiniste aussitôt l’éteint, car le pompier ne sait jamais où est la bouche d’eau. Les administrations théâtrales se plaignent toutes de la façon dont le corps des pompiers est organisé, mais les pouvoirs publics n’en ont cure. Le pompier de Paris est un soldat accomplissant ses trois années de présence sous les drapeaux ; c’est un brave qui risquera sa vie avec héroïsme, ce n’est pas un professionnel dressé à sa fonction. Lorsqu’il commence à savoir son métier, il est libéré du service. Moment impatiemment attendu : en me promenant dans les dessous d’une de nos scènes principales, je m’étonne de trouver en ces lieux déserts, habités seulement par des peintures, une pancarte ainsi conçue : « Il est défendu d’écrire sur les décors. » — A qui donc peut s’adresser la défense ? demandai-je. — Aux pompiers, me fut-il répondu ; et, me retournant, en effet, je vois que ces jeunes militaires ont, de-ci de-là, émaillé les murs de réflexions en creux ou en bosse. Je note l’inscription suivante : « Encore 318 jours demain matin et puis la fuite ; soirée du 6 octobre 1900 ; classe 1897, »

Isolé, inactif, en tête à tête avec son éponge, avec défense de