Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
837
LA DÉFENSE DE LA LÉGATION DE FRANCE.

Dans la journée, le matelot Philippe a la poitrine traversée par une balle ; il meurt quelques heures après.

9 août. — Situation inchangée.

Les Chinois arborent au Fou un immense drapeau portant les caractères de Fou-Toung-Tchang. — Les chrétiens chinois se nourrissent d’herbes et de feuilles, plusieurs enfans meurent de faim. Pendant la nuit, fusillade extrêmement violente, qui dure jusqu’au matin.

10 août. — À 3 heures, arrivée d’un courrier japonais, annonçant que les troupes entreront à Pékin le 13 ou le 14.

Sir Claude Macdonald demande au Yamen quels sont les motifs qui ont amené l’attaque de la nuit précédente ; on lui répond que les soldats coupables ont été arrêtés et décapités.

11 août. — Les Chinois tirent toute la journée sur nos retranchemens. Le soir, à 11 heures, attaque sur toute la ligne. Des ruines où sont barricadés nos ennemis, et qui furent le salon et le bureau du ministre de France, les balles pleuvent sur la tranchée, crépitent sur les briques, éventrent les sacs de terre. — Les arbres du parc sont hachés. — Je parcours notre retranchement pour m’assurer que les hommes sont prêts à repousser l’assaut que nous redoutons. — Je demande à l’un d’eux, Gouzien, qui tire constamment par une meurtrière, sur quoi il vise au milieu de cette obscurité. Il me répond : « Là, sur cette lumière que l’on aperçoit. » Nous regardons ensemble, quand une balle, passant par l’ouverture que nos deux têtes bouchaient, l’atteint à la base du nez et le tue. — J’appelle inutilement le docteur Matignon que j’ai laissé à une des extrémités de la tranchée ; à la vue de la blessure, il me dit qu’il n’y a plus rien à faire.

Dans le pavillon des Étrangers, un Autrichien est légèrement blessé à la tête.

Le Yamen a écrit dans la journée aux ministres pour leur proposer d’ouvrir, dans le voisinage de la légation d’Angleterre, un marché où viendront s’approvisionner les Européens.

12 août. — L’attaque continue avec la même violence qu’hier. Nous entendons également une forte canonnade dans la direction du Pé-t’ang. Bravo ! nos amis tiennent encore !

Un coolie nous annonce que des blessés et des troupes débandées rentrent en ville. D’après lui, l’Impératrice serait toujours à Pékin. De la muraille, on voit des groupes très importans de Chinois se diriger vers le sud.