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REVUE DES DEUX MONDES.

bande de rebelles se dirige sur le quartier des Légations, venant de l’est. J’envoie une demi-section avec Herber à la légation d’Autriche, et je me porte avec une autre demi-section à la légation d’Italie. La deuxième section reste mi-partie à l’angle nord-est, mi-partie à l’angle sud-est de la légation de France.

En outre, de nombreux volontaires armés de carabines ou de fusils de chasse, et ayant à leur tête M. et Mme  Chamot, franchissent les lignes italiennes et françaises dans la rue des Légations, et vont à la rencontre des Boxeurs. À cinq heures, et demie ces derniers entrent par la porte Hata-Men, et suivent la rue du même nom, après avoir mis le feu à la mission protestante. Une dizaine de coups de fusil, tirés par les volontaires, met en fuite ceux qui s’aventurent dans la rue des Légations ; cinq sont tués, parmi lesquels un gamin de quinze ou seize ans, qui présentait sa poitrine aux balles.

Nos ennemis s’éloignent et se dispersent sans insister davantage. Pendant que Mme  Chamot tient en respect sept ou huit Chinois avec sa carabine, son mari ferme la porte de Hata-Men et prend la clef.

Ce premier succès, dans lequel nos troupes ne sont pour rien, a, en somme, une portée assez grande : il a prouvé aux Boxeurs qu’ils ne sont pas invulnérables, comme ils se plaisent à le croire ; et qu’il ne suffit pas, pour le devenir, de prononcer quelques paroles magiques ou de faire certaines incantations. Il nous a permis de constater, en outre, que nous n’avons à craindre que des torches, des sabres et des couteaux, mais pas une arme à feu.

À six heures, j’envoie quatre hommes prendre Mme  Piry et ses enfans, ainsi que Mme  et Mlle  Bredon. M. Bredon, député inspecteur des douanes, et M. Piry restent à la douane.

À huit heures, l’église du Toung-T’ang, au nord de la légation d’Autriche, et la chapelle protestante du Toung-Tche-Queou, sont en feu. Les incendiaires, torche en main, descendent sur le quartier des Légations par la rue qui prolonge la rue de la Douane.

La mitrailleuse autrichienne balaie cette foule en moins de trois minutes. Nous envoyons une patrouille pour constater l’effet produit, mais, à son grand étonnement, elle ne trouve, dans cette rue naguère envahie, que le cadavre, à demi carbonisé et fumant encore, d’une vieille femme, une chrétienne sans doute. Les