à cause du nombre et de la variété des questions auxquelles a touché le ministre, que du caractère pessimiste de ses déclarations.
On sent du mécontentement et de l’inquiétude dans le langage du comte Goluchowski, et ni l’un ni l’autre de ces sentimens n’y est dissimulé. Nous sommes loin de la satisfaction qu’il manifestait encore l’année dernière. Alors, le ciel était clair et sans nuages ; aucun point suspect ne se montrait à l’horizon ; et si, un jour ou l’autre, il devait y en apparaître, l’accord loyal conclu en 1897 entre l’Autriche-Hongrie si la Russie devait facilement et rapidement les dissiper. Ce qu’était au juste cet accord, on ne le disait pas ; mais on le présentait comme assez fort pour vaincre toutes les difficultés qui pourraient se présenter. Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi ; il en est même tout autrement. Le comte Goluchowski déclare sans ambages que l’entente austro-russe n’est pas une panacée. Utile sans doute dans bien des cas, elle ne saurait suffire à tous, et on peut prévoir telle circonstance où elle n’empêcherait pas un éclat. Ce sont les termes mêmes dont s’est servi le ministre. Au reste, l’entente n’a, à aucun degré, le caractère d’un traité quelconque, encore moins d’un traité d’alliance. Rien n’a été écrit ; tout s’est passé en conversations. On a reconnu de part et d’autre qu’aucun incident ne pouvait surgir dans les Balkans qui ne fût de nature à être réglé à l’amiable par l’Autriche et par la Russie. On était sûr de s’entendre toujours pour cela ; on ne paraît pas l’être aujourd’hui au même degré. Pourquoi ? Est-ce à cause de la nature des incidens qui se sont produits et qui peuvent se produire encore ? Ne serait-ce pas plutôt à cause des nouvelles dispositions des esprits à Vienne et à Saint-Pétersbourg ? Dans un cas comme dans l’autre, les déclarations du ministre austro-hongrois présentent une certaine gravité. Sans doute, tout est pacifique dans les intentions du comte Goluchowski ; la politique de son gouvernement l’a été de tout temps et n’a pas cessé de l’être ; malgré cela, on pourrait relever dans ses paroles quelques notes presque stridentes. « L’Autriche-Hongrie, a-t-il dit en parlant des Balkans, tout en ne prétendant à aucune extension de ses territoires, ne pourrait pas souffrir d’entreprises contre l’état de choses actuel, ni permettre de changemens préjudiciables à ses intérêts, ou menaçans pour sa situation de grande puissance. Cela restera toujours le point saillant de sa politique orientale. L’Autriche-Hongrie n’hésiterait pas à s’opposer de toute son énergie à tout favoritisme : il n’y a aucun doute à ce sujet. » Il n’y a aucun doute, soit ; mais de quel favoritisme le comte Goluchowski a-t-il voulu parler ?