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La seule chance de survie qu’on leur laisse est de faille adhésion au programme de Saint-Mandé et de se confondre dans le parti. Tels sont les premiers symptômes de la campagne électorale qui se prépare, et nous aurons à y revenir : mais nous ne voulons parler aujourd’hui que de la situation parlementaire.

En attendant le budget, la Chambre discutera la loi sur les retraites ouvrières : c’est un engagement, non encore rempli, des élections dernières. L’œuvre est louable dans ses intentions, mais fort mal présentée dans le projet de la commission, qui a le grave inconvénient, entre beaucoup d’autres, d’ouvrir une source de dépenses nouvelles, et de dépenses illimitées. Si l’on parvenait à limiter ces dépenses, en donnant à la participation de l’État le caractère d’un abonnement fixé une fois pour toutes et qui ne serait pas dépassé, on échapperait peut-être à la principale objection qui frappe les esprits prévoyans. Voilà pour la Chambre : avant la séparation du 14 juillet, il faut qu’elle ait voté les quatre contributions directes, et elle se fait un point d’honneur d’avoir voté également la loi sur les retraites ouvrières. Sa tâche est donc bien définie. Quant au Sénat, il a été saisi de la loi sur les Associations, et il a nommé la commission chargée de l’étudier ; mais la discussion n’en viendra probablement pas avant les vacances. La composition de la commission est ce qu’on pouvait prévoir d’après celle du Sénat lui-même. Sur dix-huit membres, douze sont favorables au projet et six y sont contraires : c’est donc une majorité de deux tiers dans le sens de la loi, majorité qui correspond assez exactement à celle de l’Assemblée. On ne doit pas compter sur le Sénat pour repousser la loi, ni même pour l’amender sensiblement ; peut-être est-il permis de compter sur lui pour la faire traîner. Une circonstance imprévue l’y aidera sans doute : c’est la rentrée subite de M. de Lur-Saluces, condamné de la Haute-Cour, mais condamné par contumace, qui avait interposé la frontière entre ses juges et lui, et qui l’a repassée en sens inverse pour se mettre à leur discrétion. Il va donc falloir réunir de nouveau la Haute-Cour, et recommencer un procès qui, en vérité, n’Intéresse plus personne, et le Sénat moins que qui que ce soit.

De maladroits amis de M. de Lur-Saluces ont poussé d’abord, à son retour, des cris de guerre contre le gouvernement. Ils ont annoncé avec fracas que ce n’était pas du procès de M. de Lur-Saluces qu’il s’agissait, mais de celui de la République tout entière, et qu’on le verrait bien. Mais rien ne prouve que M. de Lur-Saluces ait eu des intentions aussi belliqueuses, et le silence qu’il garde permet d’en