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leur accordera volontiers quelque satisfaction de principe, et ce ne sera pas la première fois ; puis les choses continueront de marcher comme devant. Ce n’est pas à la veille de se séparer que la Chambre pourrait faire une réforme qui serait une véritable et très profonde révolution fiscale. elle a eu d’ailleurs la main assez malheureuse en fait de réformes, et le médiocre succès de celle qu’elle a introduite dans le régime des boissons n’est pas de nature à encourager de sa part une récidive. Depuis le commencement de l’année, on constate un déficit de cinq millions par mois environ dans le rendement de nos impôts, ce qui permet de craindre, pour l’ensemble de l’exercice, un déficit d’une soixantaine : et il n’est pas douteux que ces déceptions ne soient dues en grande partie à la loi sur les boissons. C’est d’ailleurs l’explication qu’en donne le gouvernement lui-même. On fera bien de s’en tenir là : après avoir fait une réforme, il faut attendre quelque temps avant de recommencer. C’est l’avis du ministère ; espérons que ce sera celui de la Chambre. La commission du budget qu’elle a nommée est, en effet, ultra-ministérielle. elle l’est à un point qui n’avait pas été atteint jusqu’ici. La Chambre avait toujours eu quelque propension, après avoir donné en séance publique une majorité au cabinet, à prendre sa revanche au scrutin secret dans ses bureaux. Cette fois, non. Les républicains modérés ou progressistes étaient en majorité dans l’ancienne commission ; ils sont en minorité dans la nouvelle. M. Mesureur a succédé à M. Cochery au fauteuil présidentiel. Les radicaux-socialistes occupent à eux seuls les deux tiers de la place, et pour la première fois un socialiste-révolutionnaire, M. Sembat, est entré enseignes déployées dans la commission et a été chargé d’un rapport. Le rapporteur général, désigné dès le premier jour et avant tout débat, est M. Merlou, radical-socialiste, déjà rapporteur de la commission de l’impôt sur le revenu, et chargé de l’enterrer sous le nom d’impôt de statistique. En tout autre moment, la composition de la commission, du budget nous effraierait davantage : aujourd’hui, ce n’est qu’une manifestation. Il en résultera sans doute peu de chose. Mais, à mesure que les élections approchent, on constate de la part de la Chambre un progrès de plus en plus marqué dans le sens des opinions extrêmes. Les effets qu’il fallait attendre de la présence au pouvoir d’un cabinet à base radicale-socialiste se réalisent de plus en plus. Nous sommes emportés dans un mouvement dont l’accélération devient vertigineuse. Hier encore, les radicaux condamnaient insolemment les républicains modérés à disparaître : ils y sont condamnés à leur tour, non moins insolemment, par les socialistes.