celle-là, toujours mal disposée parce qu’elle se tient constamment sur la défensive. Depuis qu’au commencement du siècle dernier nous sommes venus, comme de bons marchands, lui apportant l’opium, — denrée dont elle ne voulait pas, — et que nous le lui avons imposé de force, les choses n’ont fait qu’aller de mal en pis ; nous ne pouvons nous habituer à tenir compte de son tempérament, de ses désirs, de son vouloir, et toujours nous passons outre à ses récriminations. Autour de cet univers chinois, il s’est élevé contre nous comme une digue, comme un cordon sanitaire contre lequel nous nous heurtons sans cesse ; et, depuis 1842, c’est tout ce que nous voyons, tout ce que nous voulons connaître de cette nation. Mais ce n’est pas là la race. Lisez, par exemple, dans la Revue des Deux Mondes des 1er et 15 décembre, le tableau, tracé de main de maître par M. Arthur Desjardins, de ce qu’est présentement la Chine devant l’histoire et le droit des gens. La logique des faits y est tellement parlante, elle incrimine de façon si terrible la Chine, qu’on reste après lecture sous une impression pénible. Mais de quels faits nous parle-t-on ? D’une nomenclature raisonnée de faits passagers, même d’actes de violence isolés, toujours commis incidemment ou par système de défense contre des provocations incessantes. On ne saurait tirer de conclusions d’ensemble contre un peuple immense comme le peuple chinois : ce serait injuste et assurément peu pratique. La justice et la prudence exigent plus de lumière : à côté des faits qu’on rapporte, n’y en a-t-il pas d’autres qu’on ne rapporte pas, soit qu’on les ignore, soit qu’on ne veuille pas les connaître ? Dans la plupart de nos litiges avec les Chinois, nous n’entendons jamais qu’un son : murée derrière le mutisme que lui impose dans nos démêlés sa langue bizarre, cette race récrimine à peine, pendant que nous allons, les yeux bandés, arrivant sans nous en apercevoir à outrepasser les bornes de sa patience, et lorsque tout à coup elle éclate, nous ne revenons pas de notre surprise.
Voilà des aperçus dont la prudence nous fait un devoir de tenir compte dans l’étude du problème chinois. Une connaissance plus parfaite que nous ne la possédons des qualités de cette race qui va se transformer est non moins essentielle que celle de ses défauts.