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LE PEUPLE CHINOIS ET LA RÉFORME.

bon et de pratique en Europe. Il met la question à l’étude, et pour commencer invite ses grands dignitaires à lui tracer, dans un délai de deux mois, la ligne de conduite à tenir pour remplir ce programme.

Cette déclaration impériale nest pas la première du même genre et laissera froids les sceptiques : — « Le cri de l’homme qui se ramasse après la chute ! diront-ils, il se calmera ! La Chine — vieux peuple, passé et déchu ! » D’autres, plus observateurs et peut-être aussi mieux initiés, n’hésiteront pas à déclarer leur conviction que c’est bien cette fois le réveil qui commence. D’autres encore iront plus loin : hantés du spectre du péril jaune, ils prendront ombrage de ces velléités d’émancipation et, s’alliant à ceux qui, attachés par des intérêts politiques et palpables, inventeraient la théorie du péril jaune si elle n’existait déjà, ne s’occuperont plus que d’aviser aux moyens d’enrayer le mouvement.

Entre ces extrêmes, où est le juste milieu ?

Tout le monde sait en Europe que de nombreuses réformes sont nécessaires en Chine, mais on a pris quelque peu l’habitude d’en reléguer la probabilité dans le domaine des hypothèses les plus lointaines. On peut se demander pourquoi, car, assurément, s’il y a matière à surprise, c’est bien de voir ce vieux peuple faire tant de façons pour partir. La transformation si subite et si complète du Japon dont on s’est émerveillé à juste titre est pourtant elle-même un phénomène d’hier, et le précédent qu’il établit n’est pas insignifiant puisque déjà la puissante indépendance du Japon porte ombrage. Ce qu’a fait le Mikado, Kouanghsü ne le peut-il faire aussi ? Quelle est en réalité la valeur de ces aspirations de la Chine vers le progrès, et, d’autre part, quelles sont ses capacités pour la réforme ?

C’est en 1898 que, par l’effet de la commotion causée par les désastres de la guerre sino-japonaise, la Chine sembla sortir de sa longue léthargie : le gouvernement eut alors la vision nette de sa faiblesse et de son impéritie et voulut sincèrement se transformer par une évolution décisive et rapide ; et, de fait, comme autant de chocs électriques qui secouèrent ce vieux squelette, édits sur édits parurent, bouleversant l’enseignement, dénonçant les abus, déracinant les routines nationales les plus chères et les plus respectées. C’était à en avoir le vertige, on allait trop vite en besogne, la nation s’agitait, on pressentit une