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brûlée ? — n’a vraiment rien à dire contre lui. Du discours de Victor Hugo, Higginson ne donne pour ainsi dire que la pantomime. Debout, derrière deux candélabres à six branches, il lit sans lunettes des pages immenses de très grosse écriture, il fait beaucoup de gestes et, dans les momens de passion, agite son bras au-dessus de sa tête, les doigts écartés et tremblans. Parfois il se frappe la tête comme pour arracher ses cheveux blancs et cela ne semble pas trop mélodramatique. Sa voix est vigoureuse, mais quelque défaut de prononciation empêche qu’on l’entende aussi bien que les autres... (Louis Blanc est l’orateur français que Higginson entend le mieux ; Charles Blanc celui qu’il entend le moins.)

« La partie la plus frappante du discours de Victor Hugo fut, selon moi, sa défense du sourire de Voltaire et, à propos de l’Exposition, son appel à la paix internationale... Jamais plus puissante peinture ne fut faite de ce champ de bataille de l’Exposition. »

A la fin de la réunion, il n’y eut pas de musique, ce qui étonne l’étranger. Il assista au départ triomphal de Hugo.

« C’était le jour de l’Ascension, et çà et là nous rencontrâmes des groupes de petites filles en robes blanches à qui l’on apprend peut-être encore à frissonner au nom de Voltaire ou même de Victor Hugo. »

A dîner Louis Blanc lui raconte sur la révolution de 1848 force anecdotes. Il affirme n’avoir jamais cru complètement aux ateliers nationaux ; les ateliers avaient été placés entre ses mains par un rival qui leur voulait du mal et à lui aussi. Très gai, facétieux même, lors de leur première rencontre, Louis Blanc se montre une autre fois sous un aspect très différent ; il dit avec tristesse que la France n’est une république que de nom, qu’elle a des institutions et des traditions monarchiques avec une constitution bien faite pour les rendre perpétuelles. Louis Blanc ne trouve pas que le nom de grand homme puisse s’appliquer à Lamartine. Il estime même que Lamartine fit du tort à la république par sa déférence envers la bourgeoisie. L’histoire du drapeau tricolore substitué au drapeau rouge est absurde. Le drapeau rouge ne symbolisait rien de sanguinaire, mais au contraire l’ordre et l’unité ; c’était la vieille oriflamme, le drapeau de Jeanne d’Arc... « Après dîner on joua la Marseillaise au piano, puis la Carmagnole, formidable et douloureuse comme la guillotine