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de jouer au soldat, c’est du moins l’avis du colonel du 1er Caroline-Sud qui déclare qu’une seule compagnie de soldats bronzés et en guenilles, tels qu’il en a connus sous le gros bleu moins tapageur que cette écarlate, lui imposerait tout autrement. Le spectacle est sans reproche, mais l’intérêt moral manque. La guerre contre les Boers prête une certaine valeur à ces notes qui datent de plus de vingt ans.

De celles qu’il a prises à Paris, je me bornerai à citer, sans commentaires, les fragmens épars qui suivent :

Au théâtre des Folies-Marigny, le centenaire de Voltaire :

« Pour la première fois j’entendais des orateurs français et, tout en connaissant les ressources de la langue et la puissance de sympathie de la race, je n’étais pas préparé à les voir se produire aussi magnifiquement dans une assemblée publique. L’appréciation de l’éloquence propre à tous les Français atteint à la hauteur de notre plus grand enthousiasme, sauf que les applaudissemens s’adressent à la forme autant qu’au fond et sont produits par les mains seulement, jamais par les pieds. L’aspect même du public était le plus remarquable que j’eusse encore vu... Rien que des hommes et tous d’une apparence singulièrement pensive et distinguée, une assemblée supérieure au Parlement ou au Congrès par l’air intelligent. Quelques-uns, très peu, portaient la blouse de l’ouvrier, et le bruit de conversations aurait fait croire à une querelle violente, mais il n’en était rien ; on causait de très bonne humeur... »

Victor Hugo fait son entrée au milieu des acclamations ; il s’assoit au-dessous du buste enguirlandé de Voltaire, et M. Spuller prend la parole. M. Spuller est un bel homme qui a un peu l’air anglais ; une de ses mains est posée sur la table, l’autre fait le devoir de deux ou même d’une douzaine de mains d’après l’habitude de sa race. Chacune de ses phrases est ponctuée de bravos, d’exclamations admiratives, de : Oh ! oh ! oh ! qui indiquent une profonde jouissance littéraire.

L’enthousiasme augmente encore quand M. Emile Deschanel, dont Higginson connaît le livre sur Aristophane, établit un parallèle entre la carrière de Victor Hugo et celle de Voltaire, en abordant avec tact, lorsqu’il parle de ce dernier, un point dangereux ; sans doute la Pucelle est un livre condamnable, mais du moins Voltaire admet que Jeanne d’Arc sauva la France et le clergé qui eut ses torts envers l’héroïne, — car enfin, qui est-ce qui l’a