Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Cottet, où les membres d’une famille bretonne se sont groupés autour du feu commémoratif, posant çà et là des pierres pour tenir parmi les vivans la place des enfans morts, on observe que le point le plus sombre s’oppose au centre lumineux, et nul n’en est scandalisé. On le voit enfin dans l’admirable Troupeau de M. Dauchez, et l’on applaudit. C’est pourtant de la composition.

On applaudit M. Bail et son Repas des servantes, où les plus subtils effets de clair-obscur nous ramènent aux lointaines préoccupations des petits maîtres hollandais. On admire le Benedicite de M. Lucas, jeune artiste dévoué à prolonger dans l’art ce pittoresque breton qui s’efface de la vie, et son tableau, un des plus honorables du Salon des Artistes français, est cependant la négation du plein air. On approuve encore cette négation dans les saisissantes figures de Mlle Rœderstein et de M. Leempoels, où la ligne, très appuyée, très précise, forme avec les titillations impressionnistes le plus frappant contraste. La composition, proscrite par les réalistes, se retrouve partout. La belle architecture des lignes, l’ordonnance visible d’un effet de lumière et d’ombre, font le succès du portrait de MM. Paul et Victor Margueritte, par M. Anquetin.

Seul, peut-être, au Salon de l’avenue d’Antin, M. Kœnig parvient à réaliser une œuvre puissante, son Après-midi de fête dans l’île de Bréhat, en développant la thèse impressionniste. Un autre magnifique exemple de ce que peut être une toile lumineuse nous est donné au Salon de l’avenue Nicolas II par M. G.-H. Mosler, quand il arrête un laboureur et son attelage, parmi les gras sillons retournés, pour saluer d’un De Profundis la mort qui passe. Enfin, le Salon des Indépendans, au Cours-la-Reine, nous a montré quelques subtils paysages de M. de Regoyos, de M. Monier, de Mlle Anna Boch, qui se rattachent encore au luminisme. Mais ces souvenirs se font rares. La plupart des « jeunes » de talent ont abandonné les exercices de « plein air. » Il serait bien difficile d’y rattacher l’harmonie en gris de M. Caro-Delvaille, intitulée le Thé, ou encore les ébauches puissantes de M. Dreyfus-Gonzalès. Tout au plus pourrait-on évoquer, chez quelques jeunes, le souvenir de M. Whistler, qui n’a jamais été, pour l’aspect lumineux ni pour la façon de peindre, un impressionniste. Les maîtres qu’on suit aujourd’hui sont Bonvin, Chardin, parfois les Le Nain, et surtout les Hollandais.