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pouvait puiser dans son âge et son rang ce qu’il l’allait d’indépendance pour parler librement à un jeune prince, sans cependant manquer au respect.

« Mon cousin, écrivait le Roi à Boufflers,… je vous ai confié la personne du Duc de Bourgogne. C’est à vous de prendre soin de sa réputation et à faire en sorte qu’il fasse une campagne glorieuse… Je vous recommande d’avoir une attention particulière à ce que tout le monde soit content de luy et de luy dire librement ce que vous croirés qu’il doit faire pour cela[1], » et le vieux maréchal, qui sentait à la fois l’honneur et la responsabilité, répondait, un mois après que le Duc de Bourgogne avait rejoint l’armée : « Quand il s’agit, outre le service de Votre Majesté, de répondre de la personne de M. le Duc de Bourgogne et de sa gloire, il n’est pas possible que des considérations si importantes ne rendent pas un général un peu plus circonspect. Cependant Votre Majesté peut s’assurer que, pour peu que dans le cours de cette campagne je trouve des choses praticables, je ne manquerai pas de les proposer à Mgr le Duc de Bourgogne, lequel certainement y donnera les mains avec empressement, car il ne désire que des occasions de faire et d’agir[2]. »

Le choix de l’armée que commanderait le Duc de Bourgogne une fois arrêté, il fallait décider qui l’accompagnerait. De ses deux gentilshommes de la manche, l’un, Puységur, bon militaire qui aurait pu lui être utile, était déjà en Flandre ; l’autre, Montviel, avait accompagné Philippe V en Espagne. Des trois autres gentilshommes que le Roi avait placés, six années auparavant, auprès de lui, d’O, qui avait servi longtemps sur mer, était désigné pour accompagner le comte de Toulouse, « auquel, dit Dangeau, le Roi accordoit la grâce qu’il lui avoit si souvent demandée, d’aller faire cette année sa charge d’amiral[3]. » Chiverny n’était pas dans un état de santé qui lui permît de faire campagne. Il ne restait que Saumery, son ancien sous-gouverneur, qui, tout incommodé qu’il fût d’une vieille blessure, ne demandait qu’à marcher. Le Roi lui adjoignit un gentilhomme autrefois attaché à Monsieur qui se trouvait pour lors sans emploi et qui avait nom Cayeux. Saint-Simon qualifie ce choix de sauvage, sans qu’on puisse savoir au juste

  1. Dépôt de la Guerre, 1552, le Roi à Boufflers, 26 avril 1702.
  2. Ibid., 1554, Boufflers au Roi, 21 juin 1702.
  3. Dangeau, t. VIII, p. 344.