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toujours persuadée de la sincère amitié que j’ai pour vous qui ne pourra qu’augmenter toujours. »

Le Duc de Bourgogne recevait, quelques jours après, cette réponse qu’il attendait avec tant d’anxiété, et aussitôt il en témoignait sa reconnaissance à Mme de Maintenon, à qui il attribuait en partie le bon succès de sa requête :

« Je suis ravi, Madame, lui écrivait-il, que mon inquiétude n’ait pas été longue. J’espérois toujours que le succès seroit tel que je le souhaitois ; et, ce qui me fait un sensible plaisir, est de croire que vous n’avez pas eu peu de part à ce qui me donne à présent de la joie. Je vous prie de m’excuser, si j’avois été un peu inquiet de voir que vous aviez de la peine à presser le Roi dans cette occasion ; mais je reconnois à présent que ce n’étoit qu’un effet de votre amitié, sur quoi j’ai toujours compté, et dont je ressens si souvent les effets. Je vous prie, Madame, d’être persuadée de ma reconnaissance, et que l’amitié que j’ai pour vous ne finira jamais[1]. »

Dans une lettre à Beauvilliers, récemment publiée, le Duc de Bourgogne témoigne de la même ardeur et de la même joie. « Je reçus il y a trois jours, disait-il à son ancien gouverneur, la réponse du Roi à ma lettre, dans laquelle il m’assure de m’envoyer à la guerre en cas qu’il y en ait. Je crois que vous pouvez juger de la joie que cela m’a donnée. Vous saviez peut-être déjà cette heureuse nouvelle. Mais, en tout cas, j’ai voulu vous faire part de ma joie et vous la mander moi-même[2]. » On aime cette joie d’un prince de vingt ans chez qui parle la race et la chaleur du sang. Cependant un scrupule paraît l’avoir presque aussitôt saisi. Sans doute il désire la guerre, mais, si cette guerre n’était pas le bien du royaume ? A la réflexion, il ne sait qu’en penser, et dans l’incertitude où il est, ballotté par les nouvelles qui lui viennent et qui la plupart sont fort incertaines, son dernier mot est « qu’il faut attendre là-dessus les dispositions de la divine Providence, qui sait mieux que nous-mêmes ce qui nous convient[3]. »

Les événemens marchaient cependant, et la guerre devenait de plus en plus certaine. Guillaume III, toujours en difficulté avec

  1. Ces deux lettres ont été publiées en 1822 par la Société des Bibliophiles français (Mélanges, t. II, p. 45 et suivantes), et reproduites par Lavallée dans la Correspondance générale de Mme de Maintenon, t. IV, p. 383 et 386.
  2. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, par le marquis de Vogué, p. 117.
  3. Ibid., p. 110 et Correspondance générale de Mme de Maintenon, t. IV, p. 422.