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de leur politesse. On ne pouvoit attendre autre chose d’une ville où l’on fait profession de belles-lettres et où l’esprit abonde, encore plus que toutes les autres choses qui servent à vivre commodément, quoy qu’elles n’y soient point rares[1]. » À Montpellier, à Nîmes, on donna aux Princes le divertissement de fêtes populaires, ce qui amène cette observation du Mercure : « Chacun voulut marquer sa joye selon ses forces ; le menu peuple fit en petit ce que les autres firent en grand, et, s’il ne pust égaler les riches en dépenses, il les égala au moins comme démonstrations de joye[2]. »

À Beaucaire, le Duc de Bourgogne quitta le Languedoc où le comte de Broglie commandait au nom du Roi et qu’administrait l’intendant général Lamoignon de Basville, pour entrer en Provence où le comte de Grignan était lieutenant général. On sait que le gendre de Mme de Sévigné s’entendait à dépenser son argent. Il n’eut garde de manquer à ses habitudes, et la réception qu’il ménagea aux Princes fut particulièrement somptueuse. À Aix, toute une série d’arcs de triomphe ornés de tableaux rappelait les principaux événemens de l’histoire de la Provence. Un de ces arcs représentait une Cour d’amour en séance. « Les deux tableaux qui étoient à droite et à gauche du grand tableau marquoient deux exemples de la sévérité des jugemens de cette cour. Deux amans qui avoient méprisé et mal parlé des lois d’amour et de l’honneur des Dames y estoient fustigés par deux vieilles, et une coquette qui avoit pris de l’argent pour vendre les dons d’amour y estoit bannie de cet empire, le crime de simonie estant en horreur suivant les lois d’amour aussi bien que ceux qui se vantent mal à propos d’avoir reçu les faveurs des dames[3]. »

Il y eut le soir riche collation chez le lieutenant général, où la comtesse de Grignan fît les honneurs en grand habit et en coiffure haute, comme si elle eût été au souper du Roi. Ainsi le lui avait conseillé la duchesse du Lude qu’elle avait chargé sa fille. Madame de Simiane, de consulter par lettre[4].

La réception à Marseille ne fut pas moins brillante. Les Princes y passèrent plusieurs jours, logés chez le marquis de Mirabeau dont le grand-père avait eu déjà, en 1660, l’honneur de

  1. Mercure de mars 1701, p. 233.
  2. Ibid, p. 390.
  3. Ibid., p. 165.
  4. Voyez sur cette réception du Duc de Bourgogne le très intéressant ouvrage de M. Frédéric Masson : Le Marquis de Grignan, petit-fils de Mme de Sévigné.