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qu’on était à bout de ressources, et que l’heure avait sonné de mettre fin à une grève dont on ne pouvait plus attendre que des catastrophes.

Alors, ils ont pris leur parti très résolument. M. Basly, en particulier, et M. Lamendin ont mené le Congrès de Lens tambour battant. Ils se sentaient chez eux, au milieu des leurs, auxquels ils avaient su inspirer une crainte salutaire de la grève générale, qui était le commencement de la sagesse. Ils ont manœuvré avec adresse, et le Congrès a voté tout ce qu’ils ont voulu. Leur tort a été de lui faire décider que, s’il y avait des abstentions dans le référendum, le chiffre en serait ajouté à celui de la majorité. Et de quel droit, s’il vous plaît ? Jamais encore, dans aucun scrutin, on n’avait imaginé une confiscation aussi monstrueuse des opinions qui n’avaient pas voulu se produire. Nous avons dit que les ouvriers jaunes de Montceau avaient fait exprès de ne pas voter, parce qu’ils étaient contraires à la grève et qu’ils entendaient ne pas s’y soumettre, si elle était votée. Les compter, malgré cela, au nombre de ses partisans, n’était pas seulement une tyrannie véritable, mais une pure absurdité. Et il en est de même pour la plupart des autres abstentionnistes. Après le vote, on s’est aperçu de la faute commise : il fallait mettre toutes les abstentions au compte de la grève générale, puisqu’elle avait réuni la majorité des votans. On a essayé d’échapper à cette obligation en disant que les abstentions devaient être rattachées à la majorité, non pas dans la France entière, mais dans chaque région : de cette manière, dans le Pas-de-Calais, par exemple, où la majorité s’était prononcée contre la grève et où les abstentions avaient été extrêmement nombreuses, on grossissait d’un coup de milliers de voix, mais de voix silencieuses, l’opinion qui avait succombé ailleurs. Quoi de plus empirique ? Quoi de plus fantaisiste ? Ce n’est certainement pas ce qu’avait voulu le Congrès. Mais M. Basly, le directeur du mouvement, n’y regardait pas de si près. Rien n’égale la désinvolture avec laquelle, le lendemain même du vote, il a fait savoir, par un manifeste, que les mineurs du Pas-de-Calais N’en tiendraient aucun compte. Il est même allé jusqu’à reprocher aux mineurs de Montceau d’y avoir pris part, et à soutenir qu’ils n’en avaient pas le droit, puisqu’ils étaient en cause : il fallait, de ce chef, retrancher 6 000 voix aux partisans de la grève. Les ouvriers de Montceau ont protesté avec véhémence et même avec une sorte de stupeur ; mais on s’est moqué de leurs protestations. Leurs camarades du Pas-de-Calais déclaraient qu’ils n’obéiraient pas au referendum, parce qu’il était incomplet et équivoque, en quoi ils