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REVUES ÉTRANGÈRES

L’ŒUVRE POETIQUE D’ADAM MICKIEWICZ


Adam Mickiewicz, Zarys biograficzno-literacki, par M. Pierre Chmielowski, nouvelle édition revue et augmentée, 2 vol. in-8o, Varsovie, 1901.


« Le peuple a les opinions très saines, » dit Pascal dans une de ses Pensées ; et, dans une autre : « Encore que les opinions du peuple soient saines, elles ne le sont pas dans sa tête... La vérité est bien dans ses opinions, mais pas au point où il se figure. Par exemple, il est vrai qu’il faut honorer les gentilshommes, mais non pas parce que la naissance est un avantage effectif... » Le peuple se trompe dès qu’il veut raisonner sur les motifs de ses opinions ; mais ses opinions mêmes, pour des motifs dont il est hors d’état de se rendre compte, sont plus justes que celles des savans ou des raffinés. Comme aux petits enfans. Dieu lui a donné l’instinct de la vérité. Et ce n’est pas seulement dans les questions de morale que l’avis de la foule se trouve, tout compte fait, supérieur aux plus subtiles déductions des « sages : » en matière d’art, aussi, chacun de nous finit un jour par reconnaître que le peuple a des opinions plus « saines » que les nôtres, à cela près que « la vérité n’est pas au point où il se la figure. » Raphaël, qu’on tient communément pour le type absolu de la perfection, n’est parfait ni sous le rapport de la couleur, ni, souvent, du dessin ; et nombre de compositeurs, Schubert, Rossini, ont eu le don de l’invention musicale à un plus haut degré que Mozart, qui, aux yeux du peuple, passe pour le « dieu de la mélodie. » Mais personne, je crois, ne peut vivre longtemps dans la familiarité de Mozart ou de Raphaël sans être frappé de ce que leur génie a de plus haut et de plus profond que celui de